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MANDROU ROBERT (1921-1984)

Robert Mandrou, un des acteurs importants du renouvellement de l'école historique française, est né le 31 janvier 1921 dans le XXe arrondissement de Paris. Sa famille, originaire du val de Loire, appartenait depuis quelques générations à une petite bourgeoisie parisienne de commerçants – un milieu modeste, travailleur, ambitieux de promotion sociale. Sa mère est couturière, son père cheminot. Après une enfance à Belleville, il découvre Saint-Étienne à l'occasion d'une mutation de son père. Lycéen boursier, il suit des études avec application et est lauréat du concours général de géographie. Il va en hypokhâgne à Clermont-Ferrand en 1939, puis en khâgne au lycée du Parc, à Lyon, mais il échoue à l'École normale supérieure.

La guerre impose sa loi : en 1942, il part en chantier de jeunesse ; à peine est-il libéré qu'en 1943 il est envoyé au Service du travail obligatoire, à la Reichwerke Herman Göring de Watenstedt, une usine qui fabrique des bombes. L'épisode n'est pas inutile : il améliore sa connaissance de la langue allemande, apprend l'italien. Il traduit les journaux allemands à ses camarades, et ses commentaires le rendent suspect : il est envoyé dans le Harz, dans un camp de bûcherons. C'est là qu'en avril 1945 arriveront les troupes américaines, auprès desquelles il joue le rôle de représentant du camp français.

De retour en France, il renoue avec l'enseignement. Pendant une dizaine d'années, il va être professeur, à Saint-Étienne, à Paris, à Clermont-Ferrand, jusqu'à sa nomination au lycée Voltaire, à Paris, en 1954. Il prépare en même temps l'agrégation d'histoire, et, après plusieurs tentatives, il est reçu en 1950.

Il a fait la connaissance de Lucien Febvre : entre le maître de la nouvelle histoire (qui a fondé avec Marc Bloch, en 1929, les Annales) et le jeune enseignant, le courant passe immédiatement. Lucien Febvre le reconnaît comme son « fils spirituel » et l'introduit comme secrétaire des Annales en septembre 1954. Pour Robert Mandrou, cette rencontre est capitale : toute sa vie ira dans le sens de l'approfondissement de l'œuvre du maître, qui meurt en 1956.

Mais, comme tout milieu social, le groupe des historiens n'est pas à l'abri des rivalités. Robert Mandrou a recueilli le matériau d'un projet de Lucien Febvre ; il y joint le fruit de ses propres recherches et publie en 1961 une Introduction à la France moderne (1500-1640). C'est l'occasion d'une rupture avec Fernand Braudel, autre pilier des Annales, et Robert Mandrou quitte la revue en 1962. Il en conçoit une certaine amertume, et, d'ailleurs, le jeu complexe des rapports de force au sein de l'institution universitaire le mettra parfois dans une position marginale. Mais il reste un magnifique ouvrage, dans lequel, après avoir marqué sans ambiguïté sa dette à l'égard de Lucien Febvre, Robert Mandrou décrit la naissance de l'homme moderne à travers sa psychologie, son mode de relations sociales et la nouvelle hiérarchie de ses sens.

Le livre arrime définitivement à la recherche le concept d'histoire des mentalités ; dans cette optique, l'histoire a aussi pour but d'expliquer comment, à travers leurs changements matériels et politiques, les sociétés humaines transforment leurs sensibilités collectives, leurs systèmes de mythes et de valeurs, leurs conceptions du monde et, de fait, leur psychologie. L'effort pour légitimer cette démarche nourrit le débat avec ceux qui privilégient l'analyse des conditions matérielles de la vie des sociétés.

Cette recherche de « psychologie historique », Robert Mandrou va la continuer dans Magistrats et sorciers, sa thèse publiée en 1968. Le livre analyse avec précision comment les magistrats français du xviie siècle sont passés à l'égard de la[...]

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