MITCHUM ROBERT (1917-1997)
Sa légendaire impassibilité, ses yeux tombants, sa fossette au menton et sa carrure massive font partie de l'iconographie hollywoodienne des années 1940 et 1950. Le film de guerre, le film noir et le western se partagent l'essentiel d'une carrière qui comporte également son lot de comédies et de mélodrames. Mais, malgré cette diversité, on a l'impression que Robert Mitchum a toujours joué le même personnage. Qu'il interprète un séducteur laconique ou un monstre terrifiant, comme dans Les Nerfs à vif (Cape Fear de Jack Lee Thompson, 1962), il arbore le même sourire sarcastique, le même regard insomniaque, la même lassitude congénitale. Jamais le « mystère » Mitchum n'est apparu de façon aussi complète, ambiguë et grandiose que dans le rôle de sa vie : le pasteur illuminé de La Nuit du chasseurde Charles Laughton (1955).
D'une enfance sans père, Robert Mitchum nourrira sans doute inconsciemment, durant tout son parcours, une thématique de la paternité désirée ou refusée, qui livre également la clé de ses rapports romanesques avec les personnages féminins. Né à Bridgeport (Conn.), il vit une adolescence perturbée et délinquante, puis une jeunesse instable faite de « jobs » transitoires (y compris boxeur et videur de boîte de nuit), avant de se marier et de se « stabiliser » comme mécanicien. En 1942, Mitchum découvre le théâtre amateur et décroche une multitude de petits rôles au cinéma, comme cow-boy, truand ou soldat. C'est ce dernier emploi qui le sort de l'anonymat, grâce à un saisissant film de guerre signé William Wellman, Les Forçats de la gloire (The Story of G.I. Joe, 1945).
En 1947, Mitchum est l'un des trois soldats suspects de Feux croisés d'Edward Dmytryk, puis interprète deux rôles majeurs : le fuyard obsédé par un traumatisme d'enfance dans le western tragique de Raoul Walsh, La Vallée de la peur (Pursued), et le garagiste hanté par ses antécédents criminels dans La Griffe du passé / Pendez-moi haut et court (Out of Past, de Jacques Tourneur). Mitchum incarne à la perfection ces antihéros qui, obsédés par de lourds secrets, voient leur avenir se dérober sous leurs pas, dans une atmosphère de cauchemar éveillé. Dans le film de Tourneur, il inaugure, avec la vénéneuse Jane Greer, ce qui sera un des ressorts majeurs de sa popularité : l'insolence des rapports amoureux, faits de reparties cyniques et de compétition charnelle torride, qu'il réitérera avec Jane Russell (Macao de Josef von Sternberg, 1952) et Jean Simmons (Un si doux visage d'Otto Preminger, 1953).
Ces caractéristiques vont parfois se stéréotyper dans des films de moindre qualité. Mitchum a cependant l'intelligence de ne pas se prendre au sérieux – Ça commence à Veracruz (The Big Steal de Don Siegel, 1949), Fini de rire (His Kind of Woman de John Farrow, 1951) –, et révèle une souffrance véritable sous le masque de l'indifférence (Track of the Cat de William Wellman, 1954). Surtout, dès que la situation l'exige, il se montre un homme d'action redoutablement efficace, que ce soit dans l'arène de rodéo des Indomptables (The Lusty Men de Nicholas Ray, 1952) ou dans les rapides de La Rivière sans retour d'Otto Preminger, avec Marilyn Monroe (1954).
Après avoir interprété le faux pasteur, croque-mitaine psychopathe aux doigts tatoués des mots « amour » et « haine », de La Nuit du chasseur, Robert Mitchum se voit offrir deux grands rôles plus nuancés : le soldat isolé sur une île du Pacifique en compagnie d'une nonne (Deborah Kerr) dans le merveilleux Dieu seul le sait de John Huston (1957), et le héros mélancolique, tiraillé entre deux mondes, de L'Aventurier du Rio Grande (The Wonderful Country, de Robert Parrish, 1959), film qu'il produit lui-même.
À partir des années 1960, Robert Mitchum alterne entre les rôles de[...]
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Écrit par
- N.T. BINH
: membre du comité de rédaction de la revue
Positif , critique et producteur de films
Classification
Médias
Autres références
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LA NUIT DU CHASSEUR, film de Charles Laughton
- Écrit par Kristian FEIGELSON
- 932 mots
...Mais La Nuit du chasseur reste un film dérangeant ; mêlant le conte à l'horreur, il interroge le mythe d'une pureté de l'enfance. Robert Mitchum incarne ici le mal absolu : faux pasteur, séducteur, menteur et assassin, chasseur d'enfants. Ces derniers deviennent les justes, l'innocence... -
POLICIER FILM
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Jean TULARD
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...un héros plus que fatigué, imbibé de whisky et moulu de coups, flic révoqué ou gangster sur le retour : Bogart fut l'interprète idéal du film noir, mais Robert Mitchum prête lui aussi de manière convaincante sa silhouette fatiguée à l'inspecteur Marlowe dans Adieu ma jolie de D. Richards (1975)...