MOTHERWELL ROBERT (1915-1991)
Le nom du peintre américain Robert Motherwell est associé aux débuts de l'expressionnisme abstrait, c'est-à-dire au premier grand mouvement artistique, aux États-Unis, qui soit émancipé de l'influence du Vieux Continent. Pourtant, Motherwell est sans doute le plus européen des membres de l'École de New York, ainsi nommée pour la distinguer de (et l'opposer à) celle de Paris. Dès 1938, le jeune homme se rend en Europe, qu'il parcourt de la France à l'Écosse, en passant par l'Italie, la Suisse, l'Allemagne, la Belgique et l'Angleterre. Sa première exposition personnelle est d'ailleurs organisée, l'année suivante, dans la galerie parisienne de Raymond Duncan.
Né le 24 janvier 1915 à Aberdeen, dans l'État de Washington, Robert Motherwell se retrouve, trois ans plus tard, à San Francisco. À dix-sept ans, il s'inscrit à l'université Stanford pour y suivre des cours de philosophie, manifestant pour cette matière un goût qu'il conservera tout au long de sa carrière artistique. En 1938, il est diplômé de l'université Harvard. Durant son voyage en Europe, il rédige une thèse sur le Journal de Delacroix. Philosophie et écriture constituent ainsi ses deux premiers axes de réflexion. S'y ajoute la découverte de la psychanalyse. Elle l'entraîne, conjuguée à son intérêt pour l'histoire de l'art, à s'inscrire, une fois rentré aux États-Unis, en septembre 1940, au cours de l'historien de l'art Meyer Shapiro, qui enseigne alors à l'université Columbia de New York. Porteur malgré lui d'un certain esprit européen au beau milieu d'une Amérique des arts revendiquant sa pleine autonomie, Motherwell devient presque naturellement l'ambassadeur des surréalistes exilés à New York. Il se lie aussi avec le peintre Roberto Matta, qu'il accompagne au Mexique durant six mois, en 1941.
Il faudra attendre deux nouvelles années pour que Motherwell en arrive à côtoyer régulièrement ses compatriotes les peintres Jackson Pollock, William Baziotes, Willem De Kooning et Hans Hofmann, soit les principaux champions de l'expressionnisme abstrait. En 1948, avec Baziotes, David Hare et Mark Rothko, auxquels se joint ensuite Newman, Motherwell fonde l'école The Subjects of the Artist – avant d'enseigner, de 1950 à 1959, au Hunter College de New York. Le style du peintre Motherwell s'exprime, comme chez ses pairs, par de grands formats. Le monumental fait partie intégrante de la nouvelle abstraction américaine. Mais, paradoxalement, sa méthode le conduit vers la diminution. Plus la taille de la toile augmente, plus le motif tend vers l'affinement, l'épuration. Peindre ne consiste pas à ajouter couche sur couche : « L'abstraction, dira-t-il à la journaliste Yvonne Baby, c'est soustraire. Abstraire, c'est soustraire. Donc, si vous regardez par la fenêtre... Vous regardez, vous êtes un peintre abstrait, vous enlevez une partie du toit, et puis vous enlevez une cheminée, puis vous enlevez un coin de la fenêtre, et puis encore un morceau de balcon et, tout à coup, la vision que vous avez est pour vous la vision juste. C'est ce que vous ressentez et c'est de la peinture abstraite. »
Motherwell affectionne dans sa peinture le principe de suites très différentes les unes des autres. Ainsi les toiles de l'Open Series, qu'il entreprend en 1967, proposent-elles des quadrilatères déposés un à un sur un large fond monochrome, alors que les Elegies to Spanish Republic, dont le cycle commence en 1948 pour ne s'achever qu'à la mort de l'artiste, alignent d'épais fuseaux comme les colonnes d'un temple érigé à la gloire des antifranquistes. Elles représentent non seulement le soutien de l'artiste américain à la cause des républicains espagnols, mais aussi sa ferveur à l'égard de la poésie de Federico[...]
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Écrit par
- Hervé GAUVILLE : critique d'art, écrivain
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Autres références
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NEW YORK ÉCOLE DE
- Écrit par Maïten BOUISSET
- 1 578 mots
- 1 média
...partir de la figuration traditionnelle, il tisse sa toile d'un réseau de signes qui doivent être l'expression directe des mouvements de l'inconscient. Motherwell, pour sa part, préfère affirmer que l'automatisme n'est pas tant une affaire de l'inconscient qu'une arme plastique. Pollock utilise l'automatisme...