MULLIGAN ROBERT (1925-2008)
De tous les metteurs en scène américains qui, après avoir dirigé des dramatiques en direct à la télévision, sont passés à la réalisation de films entre 1956 et 1962, Robert Mulligan est certainement le plus discret et, de fait, le moins connu. Il n'a en effet pas signé de films spectaculaires ou au sujet, social ou politique, fort, comme ce fut le cas pour George Roy Hill, Sidney Lumet, Arthur Penn, ou Franklin Schaffner. Il n'en a pas moins construit une œuvre homogène et personnelle.
Robert Patrick Mulligan est né 23 août 1925 à New York. Au sortir du secondaire, il entre au séminaire avec l'intention de devenir prêtre. De 1943 à 1945, il sert comme opérateur radio dans l'U.S. Navy. Démobilisé, il travaille au département rédaction du New York Times, avant d'entreprendre en 1946 des études de littérature et de journalisme à la Fordham University. Employé en 1949 à CBS Television comme coursier, il y devient bientôt assistant de production de Robert Stevens et Sidney Lumet. En 1952, on lui confie la réalisation des épisodes de Suspense – plus d'une centaine jusqu'en 1954. Il dirige ensuite quantité de dramatiques pour d'autres émissions prestigieuses, telles que « Studio One », « The Hallmark Hall of Fame », « Playhouse 90 ».
En 1956, grâce à Alan Pakula, Robert Mulligan réalise un premier film : Fear Strikes Out (Prisonnier de la peur, 1957). Divers projets cinématographiques ayant avorté, il retourne à la télévision pour y diriger à nouveau des dramatiques. Il revient au cinéma en 1960, avec The Rat Race (Les Pièges de Broadway), que suivent The Great Impostor (Le Grand Imposteur, 1961), Come September (Le Rendez-vous de septembre, 1961) et The Spiral Road (L'Homme de Bornéo, 1962). À l'exception du troisième, une comédie peu inspirée, ces films, s'ils ne sont pas très personnels, n'en témoignent pas moins de sa maîtrise technique et de la précision de sa direction d'acteur.
En 1962, Robert Mulligan retrouve Alan Pakula, avec lequel il a créé en 1956 une société de production. Leur premier film, To Kill a Mockingbird (Du silence et des ombres, 1962), un drame racial dans le Sud pendant la Dépression tel qu'il est perçu par deux enfants, est un grand succès et vaudra un oscar à son interprète principal, Gregory Peck. Ils produisent ensuite Love with the Proper Stranger (Une certaine rencontre, 1963), Baby the Rain Must Fall (Le Sillage de la violence, 1965), Inside Daisy Clover (Daisy Clover, 1966), Up the Down Staircase (Escalier interdit, 1967), The Stalking Moon (L'Homme sauvage, 1968). Alan Pakula se consacrant à son tour à la réalisation, Robert Mulligan signe ensuite The Pursuit of Happiness (1971), Summer of '42 (Un été 42, 1971), son plus grand succès, The Other (L'Autre, 1972), The Nickel Ride (Nickel Ride, 1974), Bloodbrothers (Les Chaînes du sang, 1978), Same Time, Next Year (Même heure, l'année prochaine, 1979), Kiss Me Goodbye (1982), Clara's Heart (1988) et The Man in the Moon (Un été en Louisiane, 1991).
Ces films mettent généralement en scène des personnages solitaires ou isolés, souvent des enfants et des adolescents, ou bien des adultes fragilisés par un traumatisme « infantile ». Dans l'un ou l'autre cas, ils sont victimes soit de l'absence de l'un des parents, voire des deux, ou, à l'inverse, du conflit qui les oppose à eux. Quand ils sont adultes et matures, ils n'est pas rare qu'ils soient confrontés au regard d'un enfant. S'ils vivent parfois en ville, dépeinte comme un lieu étouffant, ces personnages résident plus souvent dans un milieu provincial, voire rural, au calme trompeur. Ils sont presque toujours placés dans une situation de « crise » sociale ou psychologique qui, si elle ne présente que rarement un danger physique, constitue en revanche un péril pour leur équilibre mental ou pour leur identité. Évitant les écueils[...]
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
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