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PINGET ROBERT (1919-1997)

« Une fois venu le moment de la rédaction, c'est en toute conscience que je déclenche le mécanisme ou, si l'on veut, que j'ouvre le robinet du subconscient, disons de la sensation. Ce travail est on ne peut plus volontaire. Une manière presque d'écriture automatique en pleine conscience, c'est-à-dire avec filtrage immédiat des possibles, de ce qui pourrait être développé, et dont je m'efforce de développer une minime partie malgré mon dégoût de tout développement, et du roman en particulier. » Aux côtés de ses grands romans (Passacaille et L'Apocryphe, notamment), Robert Pinget a su donner place à ce qu'on pourrait appeler de « petites » formes, davantage à même de garantir cet espace du possible dont il parle dans ses « Pseudo-principes d'esthétique ». La fiction s'y donne alors comme passage, entrevision, fable suscitée au plus près de l'écriture. Ce qui, outre son goût pour l'écriture théâtrale, le rend proche de Beckett, dont il partage l'humour grinçant.

De l'écriture polyphonique à l'aphorisme

Né en 1919 à Genève où il fait ses études de droit, Robert Pinget abandonne une voie toute tracée pour suivre à Paris sa vocation artistique. Après trois années d'atelier et une exposition à Saint-Germain-des-Prés, il opte définitivement pour la littérature.

En dépit de tout ce qu'on a pu écrire contre le terrorisme stérilisant des avant-gardes des années 1950, « l'école » du Nouveau Roman aura donné à Robert Pinget une rigueur certaine. Il n'est que de comparer ses premières tentatives littéraires, pleines de fantaisie, de désinvolture, de naïveté, de parodie (de Entre Fantoine et Agapa, 1951, à Graal flibuste, 1956) aux textes portant véritablement l'estampille des éditions de Minuit pour voir la différence. Le Fiston (1959), Clope au dossier (1961), Quelqu'un (prix Femina 1965) se caractérisent par la complexité de la composition. Le roman avance pour ainsi dire à reculons, l'exposé revenant à chaque instant sur lui-même pour introduire une variante, une hypothèse, un décalage temporel qui remettent en question l'ensemble du récit. Le comble de la virtuosité technique est atteint dans L'Inquisitoire(1962), l'œuvre phare de Pinget : le domestique sur la sellette improvise à mesure, sous la pression d'une voix énigmatique, une histoire labyrinthique d'une extraordinaire complexité, mêlant plusieurs centaines de personnages et de noms de lieux où l'interlocuteur perd le fil.

Les romans qui accompagnent la période « dure » du Nouveau Roman (Passacaille, 1969, Cette Voix, 1975, L'Apocryphe, 1980) rivalisent avec la musique : composition presque abstraite, en forme de fugue, d'une intense poésie, rythmée par les saisons, les commérages, les deuils, les citations liturgiques. Plus de narrateur clairement identifiable, cette fois, mais une polyphonie de voix narratives se faisant concurrence, alternant sentences, clichés, allusions mythologiques ou anecdotes triviales. La mise en scène de l'écriture et de l'oralité, l'épurement du matériau narratif au profit du symbole, l'ambition métaphysique clairement affichée appellent le commentaire et la collaboration du lecteur.

Les derniers textes de Robert Pinget (Monsieur Songe, 1982, et ses quatre « carnets » ; Théo, ou le Temps neuf, 1991) illustrent à leur façon le repli du Nouveau Roman sur l'autobiographie fictive. Monsieur Songe est un vieil écrivain raté, un double pâlot de Pinget qui aurait affronté sans succès l'expérience de la création. Le narrateur de Théo aspire à l'innocence enfantine, au non-savoir, pour exprimer la vérité qui le possède. Il ne s'agit plus de graver dans la pierre une sentence magistrale, mais de tracer sur une ardoise d'écolier une fugitive épitaphe. Cette apparente[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature française contemporaine à l'université François-Rabelais, Tours (Tours)
  • : professeur à l'université de Londres, department of French, Birkbeck College (Royaume-Uni)
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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