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SCHUMANN ROBERT (1810-1856)

Le xixe siècle, en la personne de compositeurs très importants, a observé, à l'égard du compositeur allemand Robert Schumann, une attitude ambivalente. Ces maîtres, alors même qu'ils subissaient quasi inconsciemment une véritable imprégnation du langage musical schumannien, lui adressaient des reproches qu'il suffirait souvent de prendre à l'envers pour les transformer en éloges. Saint-Saëns, par exemple, critiquait la forme et même le thème initial du Quintette opus 44 de Schumann, en le jugeant d'après des canons beethovéniens et sans voir que le contenu psychologique de l'ouvrage ne pouvait trouver meilleure adéquation que dans ce thème et dans cette forme. Quant à Liszt, c'est l'idée même d'un quintette qui lui paraissait périmée. Mais, chez Saint-Saëns comme chez Liszt, l'influence du langage de Schumann, et par conséquent de la vérité psycho-musicale qu'il véhicule, est évidente en maint endroit. La tâche incombe à notre époque de mettre en lumière l'originalité complète d'un langage musical dont tous les éléments – et souvent la forme elle-même – ont fait l'objet d'une recréation personnelle. Chez Schumann, la mélodie, l'harmonie, l'écriture polyphonique, le mètre, la sonorité instrumentale, ont tous subi une rénovation simultanée. Il n'est peut-être pas un seul musicien du romantisme dont on en puisse dire autant. À l'origine de cette richesse : une puissance d'imagination qui n'a d'égale que l'intensité des pulsions affectives.

La difficulté de choisir

Le premier problème, pour Robert Schumann qui compose dès l'âge de neuf ans, fait exécuter un psaume avec orchestre à onze ans, écrit des poèmes, esquisse des romans, des drames, un opéra, c'est de choisir la voie unique qu'il suivra. Le père, August-Friedrich, est libraire, éditeur, traducteur de Byron et de Walter Scott. La mère, Johanna-Christiana née Schnabel, chante en amateur. Jusqu'à seize ans, l'enfant, né à Zwickau (Saxe), mène d'excellentes études générales, et, tout en éblouissant les bourgeois de sa localité par ses dons d'improvisateur, il hésite longtemps sur sa véritable vocation. Pianiste, il connaît aussi le violoncelle et la flûte, mais, à côté d'un orchestre de jeunes, il fonde une association littéraire. Ses premières admirations vont au Schubert des lieder et à Mendelssohn, mais il a lu Goethe, Schiller, Byron, les classiques grecs, et il découvre en Jean Paul un grand inspirateur, dans son art à la fois visionnaire et populiste. La mort de son père (1826) le place sous tutelle, et, réaliste, sa mère le pousse aux études de droit. Ce sont donc, successivement, l'université de Leipzig où il s'ennuie, puis celle de Heidelberg où ses maîtres le comprennent mieux. Un premier choix se dessine lorsqu'il rencontre Friedrich Wieck, pédagogue renommé du piano, et son futur beau-père (un second choix est donc en vue). Mais ce n'est qu'à sa majorité qu'il finit par vivre en musicien. Un dilemme subsiste en lui – virtuosité ou composition ? –, vite tranché par un accident bien romantique : dans sa hâte d'égaler Johann Nepomuk Hummel et les autres pianistes célèbres, Robert a inventé un appareil ingénieux dont l'usage n'aboutit qu'à lui paralyser la main droite. Reste donc la composition. Dans une hâte phénoménale et une incroyable fécondité, naît en dix ans (1829-1839) une production pianistique géniale. Aucun temps de préparation, aucune hésitation apparente, d'emblée Schumann est lui-même, des Abegg-Variationen, opus 1 et des Intermezzi, opus 4 au Faschingsschwank aus Wien (Carnaval de Vienne, opus 9), en passant par la Sonate en fa dièse mineur, opus 11, les Études symphoniques, opus 13, les Kreisleriana, opus 16, les [...]

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Écrit par

  • : inspecteur principal de la musique au ministère des Affaires culturelles

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Schumann - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Schumann

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