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SCHUMANN ROBERT (1810-1856)

« Créer tant qu'il fait jour »

La réputation du compositeur de trente ans a franchi le cercle de la Saxe natale. Le premier numéro de la revue qu'il a fondée, la Neue Leipziger Zeitschrift für Musik (Nouvelle Revue musicale de Leipzig) a paru le 3 avril 1834. Schumann est lié avec Mendelssohn depuis cinq ans. À Paris, Liszt a fait l'éloge de ses œuvres dès 1837. Il est en relations avec Berlioz et Chopin, dont il a signalé les mérites. L'année du mariage, 1840, est celle de l'éclosion prodigieuse des lieder : plus d'une centaine (sur les 250 que Schumann composa) ; d'un seul coup il égale Schubert, et dépasse même sa capacité annuelle de production. Parmi ces lieder, il y a les cycles célèbres : Dichterliebe (Amours du poète, opus 48), Frauenliebe und-leben (Amour et vie d'une femme, opus 41).

L'instant du mariage est solennel, car Robert, averti par le suicide de sa sœur Emilie en 1826, est parfaitement conscient des menaces qui planent sur sa santé, sur son psychisme. Se sachant vulnérable, et en dépit de son extraordinaire puissance de travail, il a tendance à ne plus sortir du cercle de sa famille et de ses amis musiciens ; il y cherche une protection, même si cet embourgeoisement est peu conforme aux tendances libertaires de sa jeunesse ; il veut aussi s'affirmer comme un compositeur « sérieux » pour compenser la célébrité de virtuose de son épouse. Il aborde donc systématiquement l'orchestre en 1841 (la Première Symphonie en si bémol majeur, opus 38, dite Symphonie du printemps et l'esquisse de la Quatrième, une Sinfonietta, l'allégro du futur Concerto de piano), la musique de chambre en 1842 (trois quatuors à cordes, quatuor et quintette avec piano, variations pour deux pianos). Puis viennent les grands ouvrages, de 1843 à 1848 : l'oratorioDas Paradies und die Peri (Le Paradis et la Peri, opus 50), l'opéra Genoveva (Geneviève de Brabant, opus 81), la musique de scène pour Manfred, opus 115. Les Faustszenen (scènes du Faust de Goethe) ne sont achevées que plus tard, mais dès son premier abord des scènes finales du Second Faust, il crée l'un des plus hauts chefs-d'œuvre du romantisme européen. Les nécessités matérielles n'entravent pas l'incessante création ; elles contribuent cependant à la fatigue nerveuse dont les symptômes deviennent fréquents et dangereux.

Robert a vite renoncé à n'être que le mari d'une femme célèbre, et ne l'accompagne plus dans ses tournées. À la maison, le travail du compositeur gêne parfois celui de la pianiste. Et les naissances se succèdent : huit enfants de 1841 à 1854. Il faut vivre. Trop sensible aux ambiances, Robert s'accommode mal de ses fonctions successives : professeur au conservatoire de Leipzig (créé en 1843 par Mendelssohn), il s'installe ensuite à Dresde en 1844 et y dirige une association chorale. Mais il devient de moins en moins apte à la communication et ses expériences de chef de chœur ou d'orchestre restent décevantes. Du moins est-ce pour lui l'occasion de créer des chefs-d'œuvre, notamment le Concerto pour piano et orchestre en la mineur, opus 54, terminé en 1845, une des œuvres les plus célèbres de Schumann. C'est de cette époque que datent les œuvres pour orgue (Six Fugues sur le nom de Bach, opus 60) et les Études pour piano à pédalier (opus 56). L'activité créatrice, jamais ralentie, culmine en 1849 : 30 numéros d'opus dans l'année ! On touche ici le paradoxe de cet homme en qui une vitalité exceptionnelle lutte pendant vingt ans contre la malédiction d'un atavisme. Pour ne parler que de l'année 1849, les Douze Pièces à quatre mains (Zwölf vierhändige Clavierstücke für kleine und grosse Kinder, opus 85) furent écrites en six jours, le Konzertstück pour quatre cors en trois jours, l'Adagio[...]

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Écrit par

  • : inspecteur principal de la musique au ministère des Affaires culturelles

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Média

Schumann - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Schumann

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