VEYRON-LACROIX ROBERT (1922-1991)
Le claveciniste Robert Veyron-Lacroix incarnait l'élégance et le charme de l'école française, dont il fut l'un des artisans du renouveau, dans la mouvance de Wanda Landowska.
Il voit le jour à Paris le 13 décembre 1922 et fait ses études au Conservatoire national supérieur de musique, notamment avec Marcel Samuel-Rousseau et Yves Nat. Il reçoit une double formation de pianiste et de claveciniste mais, dès son premier récital de clavecin à la radio en 1949, il décide de se consacrer à cet instrument. Il devient le partenaire privilégié du flûtiste Jean-Pierre Rampal, avec lequel il redonne à la musique baroque et classique un visage plus authentique. Entourés de Pierre Pierlot, Robert Gendre et Paul Hongne, ils fondent en 1952 l'Ensemble baroque de Paris, l'un des premiers groupes qui se consacre alors au répertoire du xviiie siècle. La notoriété qu'il acquiert comme partenaire de Rampal, du violoncelliste Paul Tortelier, du violoniste Arthur Grumiaux ou du Trio Pasquier éclipse sa propre carrière de soliste, dont le champ d'action s'étend jusqu'à la musique contemporaine : il impose le concerto de Manuel de Falla (dont le premier des deux enregistrements qu'il en réalisa, avec le chef d'orchestre espagnol Atáulfo Argenta, reste une référence), ainsi que le Concert champêtre de Francis Poulenc, et crée de nombreuses partitions écrites à son intention par André Jolivet (Sonate pour flûte et clavecin, 1958), Jean Françaix (Concerto pour clavecin, 1960), Maurice Ohana (Carillons, 1961), Jean-Michel Damase (Concerto pour clavecin, 1966), Darius Milhaud (Concerto pour clavecin, 1969), Jacques Charpentier ou Tony Aubin. Passionné par la recherche d'œuvres oubliées, il fait revivre, au clavecin ou au pianoforte, les concertos des fils de Bach, de Tommaso Giordani et de Giovanni Paisiello. Il est l'un des premiers à enregistrer la totalité des concertos de Haydn et les premiers concertos de Mozart. Avec Lily Laskine, il explore le répertoire insolite pour harpe et pianoforte créé par les compositeurs de l'époque napoléonienne. Il se consacre aussi à l'enseignement, d'abord à la Schola Cantorum (à partir de 1956) et à l'Académie internationale d'été de Nice (à partir de 1959) avant d'être nommé titulaire de la classe de clavecin au Conservatoire de Paris (1967-1988). Brigitte Haudebourg, Jean-Patrice Brosse et Scott Ross ont compté parmi ses élèves. Il meurt à Garches (Hauts-de-Seine) le 2 avril 1991. Éloigné depuis le début des années 1980 de la scène internationale pour raison de santé, Robert Veyron-Lacroix n'a pas participé à l'explosion qu'a connue l'interprétation de la musique des xviie et xviiie siècles depuis les années 1970 et sa notoriété a été éclipsée par les vedettes de ce renouveau. Sans être un adepte de la facture contemporaine, il avait abandonné assez rapidement les clavecins Pleyel pour jouer sur des copies d'instruments anciens et il fut l'un des premiers à enregistrer sur des clavecins du xviiie siècle, à la fin des années 1960. Il possédait un sens inné de la registration, et ses réalisations de basse continue, loin de pécher par excès de discrétion, étaient de véritables dialogues avec les parties mélodiques. La souplesse et l'élégance de son style, son sens du rythme et des couleurs témoignent encore d'une étonnante présence et prouvent que la vie d'une interprétation reste plus durable que la recherche d'une authenticité abstraite. Il avait d'ailleurs publié un ouvrage intitulé Recherches de musique ancienne (Paris, 1955) où reste consignée son approche en la matière.
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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