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WALSER ROBERT (1878-1956)

L'œuvre de Robert Walser semble s'inscrire dans le cours qui, depuis le xviie siècle, a engagé la littérature occidentale à dire l'infime, à forcer l'écorce du quotidien pour y déceler les ressorts obscurs qui l'animent. Cependant, nul désir chez lui de chercher sous la réalité la vérité qui la meut : le monde peut apparaître sans arrière-pensées à un regard lucide, lavé de toutes les idées qui généralement permettent d'imposer une vision. Le soupçon n'a pas besoin de s'exercer. La surface lisse et plate où se trament les vies offre une profusion de richesses et de secrets. L'attention dégrisée aux plus infimes mouvements du cœur permettra d'opérer le partage entre ce qui est vivant et ce qui n'est que mime agressif de la vie.

Un « pur désir de partir »

Robert Walser - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Robert Walser

Écrivain suisse allemand né à Bienne, dans le canton de Berne, Robert Walser, après de brèves études, commence une vie errante qui le conduira notamment à Bâle, Stuttgart, Zurich, Tübingen, Berlin, villes où il occupera différents postes d'employé subalterne. Dès l'âge de dix-neuf ans, il commence à écrire des suites de poèmes et de proses qui formeront en 1904 un premier livre, Les Rédactions de Fritz Kocher. Son œuvre va se construire entre ses séjours urbains, où son irrésistible nomadisme l'entraînera, et les brefs moments de retour à Bienne, dans la sécurité des lieux familiers. En 1929, en proie à un profond déséquilibre, il consent à se faire interner à l'hôpital psychiatrique de Waldau, d'où il sera transféré en 1933, et jusqu'à sa mort, dans une clinique de Herisau. Période asilaire qui coïncide avec l'abandon de toute activité littéraire, et dont a rendu compte Carl Seelig dans ses Promenades avec Robert Walser (1974), récit de ses rencontres avec l'écrivain de 1936 à 1956.

Le récit de son existence donne, en partie, la clé de l'œuvre de Robert Walser. Non que celle-ci s'organise comme une autobiographie ni même comme cette recherche d'identité dont la littérature moderne offre de si nombreux exemples. Mais la vie, ici comprise dans son parfait anonymat, a permis qu'une littérature délivrée de la gravitation du moi héroïque témoigne de sa puissance la plus pure. C'est en effet au moment où la crise des valeurs abandonne l'Europe à une société de masse que s'invente dans sa littérature un personnage inassignable, en proie au trouble de l'apparence et à l'affolement du langage. Un homme enfermé dans l'espace neutre de la ville, dépossédé des ressources de la « culture », mais qui jette parfois un regard presque enfantin sur le monde. Car Walser a longtemps occupé une place excentrée dans une littérature où il apparut d'abord comme un « enfant fort intelligent » (Thomas Mann). Cette retenue, cette fraîcheur du ton l'isolèrent en ce début de siècle emphatique. Seuls Max Brod, Musil, Walter Benjamin, mais aussi Kafka, sauront entendre la nouveauté de sa voix. En fait, sa véritable ascendance, c'est du côté de Kleist et, surtout, de Grimm qu'il faudrait la chercher, dans l'univers du conte qu'il ouvre sur le monde le plus quotidien et prolonge jusqu'au roman. Chez lui, l'expérience réelle et la dérive onirique ne cessent en effet de se mêler. Simon Tanner, le héros de Die Geschwister Tanner (Les Enfants Tanner, 1907), en même temps qu'il se fait le témoin de la morne existence de ses frères et de sa sœur, satisfait pour lui-même ce « pur désir de partir » qui l'entraîne, entre ville et campagne, à recevoir le don de l'apparence furtive. Si le monde de Walser peut souvent apparaître enchanté, il n'est jamais imaginaire. Peuplé de chefs de bureau, de commerçants, de banquiers, il demeure le lieu de l'échange ; mais, dépouillé de sa valeur d'usage, il se réduit pour ceux qui[...]

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Écrit par

  • : peintre, écrivain
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Robert Walser - crédits : ullstein bild/ Getty Images

Robert Walser

Autres références

  • LE TERRITOIRE DU CRAYON (R. Walser)

    • Écrit par
    • 995 mots

    Désormais, il est certainement superflu de rappeler qui est Robert Walser, ce romancier, poète et dramaturge né en Suisse en 1878, « révélé au public dès 1907 » – comme le rappelle Peter Utz – et qui « cessa définitivement d'écrire en 1933 ». Il n'en aurait pas été de même naguère. C'est que Walser...

  • NIZON PAUL (1929- )

    • Écrit par
    • 1 690 mots
    ...père de deux enfants. Sa thèse, soutenue en 1957, est consacrée à Van Gogh. Le peintre dont il étudie particulièrement la correspondance devient, avec Robert Walser, lu dès l'enfance, une figure essentielle. « Poète sensible aux images », Paul Nizon est impressionné par leur pratique d'un « métier exercé...