WILMOT ROBERT (1568 env.-1608)
On sait peu de chose de Robert Wilmot, sinon qu'il était dans les ordres, recteur de North Ockendon, Essex, en 1582, puis de Horndon-on-the-Hill, Essex, en 1585. Mais il a attaché son nom à une tragédie assez célèbre dans la production dramatique qui a précédé la grande époque, Gismond de Salerne, dont il écrivit le cinquième acte. La pièce fut jouée devant la reine, à l'Inner Temple (une des quatre écoles de droit à Londres, les trois autres étant Lincoln's Inn, Gray's Inn et Middle Temple) en 1567 ou 1568. Elle recueillit, dit-on, l'approbation d'Élisabeth et surtout celle de William Webbe (1591), qui estime Wilmot bon poète dans son traité sur la poésie anglaise, A Discourse of English Poetry (1586). Webbe écrivit même une épître lorsque la pièce fut imprimée en 1591, sous un titre nouveau : The Tragedie of Tancred and Gismonda. Wilmot est le seul auteur de cette révision, qui mettait la pièce au goût du jour, c'est-à-dire remplaçait les vers rimés par des vers blancs.
Tancrède et Gismonda est une violente et grandiloquente tragédie de l'amour et de la mort. L'histoire est empruntée à Boccace, et Wilmot la veut hautement morale. Tancrède, roi de Naples, ayant surpris sa fille Gismonda avec son amant, le comte Palurin, fait assassiner celui-ci ; on lui arrache le cœur et on le présente à Gismonda dans une coupe en or. La malheureuse verse du poison dans la coupe, la boit jusqu'à la lie, et meurt en exprimant le vœu d'être ensevelie à côté de son amant. Tancrède, désespéré, fait accomplir la dernière volonté de sa fille et, n'ayant pas d'autre recours contre son crime et sa douleur, se donne la mort après s'être, comme Œdipe, crevé les yeux :
Unworthy lamps of this accursed lump Out of your dwellings ! (Indignes flambeaux de ce corps maudit Sortez de vos orbites !)
Cette tragédie « romanesque », dans le ton le plus pathétique des contes du Décaméron, et qui emprunte ses effets et sa rhétorique à Sénèque, n'en est pas moins accommodée au goût anglais du jour. Elle est agrémentée d'un prologue dit par Cupidon, d'un chœur de quatre jeunes filles, et de pantomimes (dumb-shows) précédant les actes, qui en montrent allégoriquement la substance. Tancrède, avant de se tuer, tire la morale de la tragédie en ces termes : « Et maintenant, pères, apprenez par moi à être sages, prenez garde de traiter plus tendrement ces joyaux qui font vos joies. » Et il conclut, comme Roméo sur le tombeau de Juliette : « Ma fille, j'arrive ! »
Robert Wilmot, qui s'est fourvoyé chez les dramaturges, ne laisse pas oublier qu'il était pasteur.
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Écrit par
- Henri FLUCHÈRE : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
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Autres références
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ÉLISABÉTHAIN THÉÂTRE
- Écrit par Henri FLUCHÈRE
- 10 600 mots
- 2 médias
Les tragédies qui suivent Gorboduc portent plus ou moins lourdement l'empreinte sénéquéenne. C'est Gismond de Salerne (1567-1568), de Robert Wilmot ( ?-1568), où abondent les effets de style propres à donner du prestige à une histoire romanesque tirée du Décaméron ; c'est The Misfortunes...