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MATTA ROBERTO ANTONIO SEBASTIAN (1911-2002)

L'espace de l'énergie humaine

Exclu du mouvement surréaliste en 1948, en même temps que Victor Brauner, Matta quitte New York, s'installe à Rome, où sa peinture développe le système du Cube ouvert (1949) et procède à la dénonciation des crimes : Contra vosotros asesinos de Palomas (en hommage à Lorca), Les roses sont belles (contre l'exécution des époux Rosenberg) ; des mauvais prophètes et des assassins : Les Golgoteurs (1952-1953), Le Prophéteur et finalement La Question en 1957, contre la torture en Algérie et en hommage à Henri Alleg. En 1959, Pontus Hulten organise sa première rétrospective : 15 Formes de doute, au Moderna Museet de Stockholm. Matta déclare alors : « Une structure de faits est en trompe l'œil. Ce que je cherche, c'est plutôt un trompe l'être. » La complicité qui lie Matta (revenu vivre à Paris) au poète Henri Michaux leur a fait accomplir des recherches conjointes dans un livre : Vigies sur cible (1959), qui fait suite à son tableau de 1958, Être cible nous monde. Matta se réconcilie alors avec Breton, réalise en sculpture certains des personnages surgis dans ses tableaux, peint un triptyque en hommage à Fidel Castro, un mural (détruit depuis lors) à Santiago du Chili et se rend pour la première fois à Cuba, en 1963. Sa rétrospective, la même année, à Bologne, qui va circuler à Düsseldorf et à Vienne, fut le second panorama entrouvert sur cette œuvre déjà immense par ses dimensions et par l'horizon conquis dans la pensée visuelle. En 1968, il a exposé les vingt et un tableaux du cycle L'Espace de l'espèce au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, d'où ils furent transférés en mai à l'usine Nord-Aviation pour les ouvriers en grève. Six toiles de dix mètres de long chacune seront présentées en 1970 à la Nationalgalerie de Berlin, dont Grimau, ou les Puissances du désordre (1964-1965) et Burn Baby Burn (1965-1967). Il voyage en Égypte, à Cuba, en Zambie, en Tanzanie, en Angola et, le 4 septembre 1970, il exalte l'élection de Salvador Allende comme président de la république du Chili par un manifeste qui commence par ces mots : « Il faut voir les hommes comme des créateurs plutôt que comme des créatures. »

L'exposition rétrospective que lui a consacrée le Centre Georges-Pompidou en 1985 n'a fait que commencer à rendre publique en France l'une des recherches les plus révolutionnaires (dans tous les sens de ce mot à la fois galvaudé et tabou) qui ait été poursuivie par un « peintre » du xxe siècle. La énième dimension qu'il a découverte est celle de la chance. « On ne se baigne pas deux fois, dit G. Ferrari (sur le modèle de la phrase de Matta : « On ne se baigne pas deux fois dans le même Héraclite »), dans le même Matta. » Il travaille depuis les années 1970 au cœur du pays étrusque, à Tarquinia, où il a réalisé de nouvelles peintures géantes, parmi lesquelles : Wake (Passage de la vie à la mort), 1974-1975, qui transcende le Passage de la vierge à la mariée de Duchamp sur le plan métaphysique, et Illumine le temps (1975). Il illustre par des gravures Rabelais et Rimbaud en 1982, et, poursuivant son idée de dresser « la carte de la société », peint Les Plaisirs de la présence (1984-1985), où tous les espaces inventés sont ceux de l'énergie humaine, et de son risque. C'est le pari de Matta : dépasser par la peinture les moyens dont les hommes disposent pour se représenter leur conscience d'eux-mêmes.

Le musée de Yokohama, au Japon, a fait l'acquisition en 1993 d'une centaine de toiles de Matta (ancien fonds Pierre Matisse) qui constituent l'un des ensembles les plus importants de ses œuvres dans un musée.

— Alain JOUFFROY

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