ROBOTIQUE ET PSYCHOLOGIE
La robotique et les sciences cognitives (psychologie, neurobiologie…) ont un passé commun qui remonte à la création de la cybernétique en 1947 par Norbert Wiener. La cybernétique s’intéresse à la régulation de systèmes complexes et à l’émergence de propriétés liées aux interactions d’un très grand nombre d’éléments. Ces premiers travaux ont montré l’importance des rétroactions : le système agit sur lui-même pour maintenir un état d’équilibre ou au contraire prendre une décision. La robotique et l’intelligence artificielle (IA) sont les descendants directs de la cybernétique et de ces premières réflexions sur le traitement de l’information dans les systèmes naturels et artificiels. Robotique et psychologie partagent un grand nombre de préoccupations communes. La robotique – avec les robots humanoïdes – est souvent vue à tort comme une tentative d’incarner un rêve prométhéen. La réalité est très différente : un robot est une simple machine capable d’effectuer des tâches physiques (manipulations, déplacements…) grâce à un programme fixe ou adaptable. Une majorité de robots fonctionnent selon des principes mécaniques et informatiques très éloignés de ce que nous propose le monde du vivant. Ils permettent d’obtenir des capacités (vitesse, force, précision...) allant bien au-delà de ce dont sont capables un humain ou n’importe quel animal. Cependant, les robots restent limités en ce qui concerne l’intelligence. Comme pour tous les systèmes d’IA, il ne faut pas plus de quelques minutes à la plupart des gens pour comprendre quels sont les ressorts du fonctionnement d’un robot et prendre la mesure de ses limitations cognitives. Les robots sont en général incapables d’effectuer une tâche autre que celles prévues par leurs concepteurs. Comprendre comment fonctionne notre cerveau pourrait donc avoir des répercussions importantes en robotique. Les relations entre robotique et psychologie se situent à deux niveaux : le robot peut être un outil ou un modèle au service des sciences cognitives.
On peut distinguer quatre types de robots :
– les robots construits sans référence au fonctionnement des humains ou des animaux (travail d’ingénierie pour optimiser un robot par rapport à un ensemble de contraintes) ;
– les robots s’inspirant de modèles de psychologie cognitive ou expérimentale ;
– les objets robotisés (prothèses, rétines, cochlée artificielle…) qui conduisent, selon certains, à la création de cyborgs ou posthumains. Les interactions que nous entretenons avec tablettes, smartphones… peuvent aussi nous interroger sur la réalité de notre passage à cette étape... ;
– les robots utilisés directement pour simuler le fonctionnement du système nerveux central.
Le robot comme outil
Les robots sont des outils que l’on rencontre de plus en plus fréquemment dans les laboratoires de psychologie. Ils sont souvent utilisés pour présenter à des sujets des actions qu’ils devront effectuer. L’analyse et la reproduction par un robot de gestes ou d’actions normalement réalisés par des humains permettent leur répétition de façon parfaitement identique. À l’inverse, on peut programmer un robot pour que ses mouvements soient dégradés ou impossibles à réaliser par un humain. Ces travaux sont notamment utilisés pour étudier ce qui nous permet de discriminer un mouvement biologique d’autres types de mouvements ou pour analyser les dynamiques d’interactions non verbales entre deux personnes : direction du regard, expressions, gestes. Des têtes de robot expressives ont aussi été utilisées pour étudier les cas dans lesquels un humain peut mimer involontairement les expressions d’un robot. Cela permet de s’interroger sur l’importance d’une présence physique dans certaines situations par rapport à une présentation sur écran ou tout autre dispositif de réalité virtuelle. Le robot s’inscrit ainsi[...]
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Écrit par
- Philippe GAUSSIER : professeur des Universités, responsable de l'équipe neurocybernétique du laboratoire ETIS, responsable du master Informatique et ingénierie des systèmes complexes de l'université de Cergy-Pontoise
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Médias