ROCK EXPÉRIMENTAL ET ART ROCK

Nombreux sont les artistes qui ont éprouvé la nécessité de s'affranchir de la tutelle des grandes firmes discographiques afin de produire ce qu'il est convenu d'appeler un rock expérimental. L'art rock, de son côté, désigne un courant de ce rock expérimental caractérisé par de nombreuses références artistiques et qui manifeste un certain intellectualisme.

La pop music et le rock sont en effet portés depuis leur apparition par un système de diffusion qui est devenu planétaire et où les médias occupent une place centrale. Et rares sont les artistes qui ont su ou pu toucher leur public hors des grands circuits de distribution contrôlés par des compagnies organisées à l'échelle mondiale, les « majors ». Au mieux, certains créateurs ont réussi à autoproduire leurs masters* afin de rester maîtres du contenu artistique de leurs disques, avant de les faire ensuite presser, distribuer et promouvoir par le biais de réseaux classiques. Cependant, l'Internet va probablement bouleverser cette donne en permettant aux artistes de vendre directement leurs disques au consommateur, abaissant ainsi le seuil de rentabilité d'un produit.

Les rebelles

Frank Zappa (1940-1993), un des artistes majeurs du rock à plus d'un titre, fut très tôt son propre producteur, refusant que sa démarche artistique soit guidée par les logiques du marketing. Son abondante production comprend près de soixante albums où la dérision et l'humour côtoient des moments intenses de virtuosité instrumentale cadrée par des arrangements très élaborés (The Best Band You Never Heard In Your Life, 1991). Zappa a également mené une carrière parallèle de compositeur « sérieux » qui lui vaudra en 1984 le privilège d'être interprété par l'Ensemble InterContemporain de Pierre Boulez.

Pendant sa courte carrière, Jimi Hendrix (1942-1970) a fait évoluer le langage du blues grâce à une utilisation non conventionnelle de son instrument, la guitare, et sa démarche novatrice a bouleversé la pop music. Intéressé par toutes les formes avant-gardistes, il avait, juste avant sa mort, conçu le projet d'enregistrer avec Miles Davis. Car la problématique pour certains artistes évoluant dans les musiques populaires électriques se résume à pouvoir continuer de défricher dans des directions nouvelles sans pour autant se couper du marché, donc du public.

Brian Eno a quant à lui choisi de mettre ses multiples talents de « metteur en son » au service d'artistes reconnus (de David Bowie à U2) tout en pratiquant l'expérimentation permanente à la faveur de différents projets : il explore la musique répétitive avec Robert Fripp (No Pussyfooting, 1972) et déforme des sons pour Genesis (The Lamb Lies Down on Broadway, 1974) ; c'est lui qui imagine le concept d'ambient (Ambient 1 : Music for Airports, 1979). Il est ensuite associé à David Byrne, guitariste et chanteur de Talking Heads, pour un moment crucial, My Life in the Bush of Ghosts (1981) ; élaboré à partir d'un système de collages sonores, cet album précurseur associe des musiques du monde, des rythmiques soutenues et des traitements sonores élaborés.