Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ROCOCO

La rocaille et les arts décoratifs

Les ornemanistes

La liaison entre rococo et rocaille apparaît si étroite que l'on est presque contraint de commencer par s'interroger sur la façon dont est apparu, s'est développé et a été utilisé ce type d'ornements. Depuis les études de Fiske Kimball, le lieu de naissance et de la rocaille est reconnu : ce serait tout simplement l'agence de Jules Hardouin-Mansart. À côté de l'architecte de Versailles, auprès duquel se forment plusieurs des chefs de file de la nouvelle manière, comme Lepautre, Boffrand, Oppenord, il faut aussi noter le rôle considérable joué par Bérain et Audran. Jean Bérain (1640-1711) se fit une spécialité des grotesques. Cette formule décorative, inventée, ou plutôt ressuscitée par Raphaël et ses collaborateurs à partir des trouvailles archéologiques de la Domus Aurea, consiste à déployer un réseau d'ornements géométriques presque abstraits, sans profondeur ni pesanteur, sur la paroi ; au milieu de ces éléments sont glissées des figures d'animaux ou d'hommes, souvent fantastiques, hors de toute échelle, libres ou enfermées dans des médaillons (hôtel de Mailly-Nesle, env. 1685). Claude Audran (1658-1734) exécuta des décors du même type pour la ménagerie de Versailles vers 1700. Dans les dix premières années du xviiie siècle, cette mode avait remplacé celle des grands lambris de marbre. Des boiseries sculptées en légère saillie et peintes en couleurs claires ont pris leur place.

Dans ce répertoire décoratif, l'exotisme, et particulièrement la chinoiserie, tient une place de choix. Dragons et magots, êtres ventrus et amphibies se glissent parmi les arabesques. Audran, près duquel travaille le jeune Watteau, utilise volontiers les accessoires chinois. Les décors de ce type exécutés par Watteau au château de la Muette ont disparu, mais la gravure leur a assuré un grand succès et nous les a transmis. L'estampe joue en effet un rôle capital dans la diffusion des nouveaux motifs décoratifs ; à partir de 1700, les Livres d'ornements se multiplient. Dès 1716-1719, on trouve des décors chinois au pavillon dit Pagodenburg, dans les jardins de Nymphenburg, le Versailles bavarois.

Gilles-Marie Oppenord (1672-1742) fut considéré par ses contemporains comme l'un des principaux chefs de file du nouveau style. Les planches gravées par Huquier d'après ses dessins sont le témoin de sa vogue. Dans les panneaux de boiserie qu'il exécute vers 1710 pour l'hôtel de Pomponne, on voit, accrochés ou appuyés à des arbres stylisés, des armes ou des instruments de chasse : fusils, flèches et arcs, cors ; au pied des arbres figurent des chiens. Ces trophées, présentés en léger relief sur fond uni, occupent presque toute la surface du panneau ; la suggestion d'un espace fictif est imperceptible. Dans les boiseries de l'hôtel d'Assy (après 1720), la part des trophées se réduit au tiers supérieur du panneau, dont le reste du champ demeure libre, mais dont l'encadrement présente des incurvations beaucoup plus prononcées.

Les partis décoratifs d'Oppenord sont poussés jusqu'à des formules beaucoup plus audacieuses chez Juste Aurèle Meissonnier (1693-1750), qui était originaire de Turin, mais dont toute l'activité s'exerça en France. Meissonnier est à la fois orfèvre, ingénieur de feux d'artifice et décorateur de fêtes. Virtuose de la ligne courbe, il n'hésite pas à dessiner des compositions totalement asymétriques, en faisant grand usage « des Fontaines, des Cascades, des Ruines, des Rocailles, et Coquillages » pour reprendre les termes dans lesquels le Mercure présente son Livre d'ornements en 1734. Le célèbre chandelier d'argent exécuté en 1735 par Duvivier sur un dessin de Meissonnier (musée des Arts décoratifs, Paris) repose sur une base dissymétrique[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, conservateur des objets d'art des églises de la Ville de Paris
  • : professeur à l'université de Chicago
  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien

Classification

Médias

Intérieur de l'église d'Ottobeuren - crédits :  Bridgeman Images

Intérieur de l'église d'Ottobeuren

Eglise de pèlerinage de la Wies - crédits :  Bridgeman Images

Eglise de pèlerinage de la Wies

<it>Renaud et Armide surpris par Charles et Ubald</it>, G. Tiepolo - crédits : Cameraphoto/ AKG-images

Renaud et Armide surpris par Charles et Ubald, G. Tiepolo

Autres références

  • ALLEMAND ART

    • Écrit par
    • 1 322 mots

    Parler d'art allemand, comme d'art italien ou d'art français, n'a rien qui surprenne aujourd'hui, tant ces catégories semblent évidentes. Apparues avec l'essor de l'histoire de l'art au xixe siècle, elles sont pourtant relatives et problématiques, car cet essor,...

  • AUDRAN LES

    • Écrit par
    • 561 mots

    Famille de graveurs, d'ornemanistes et de peintres français du xviie siècle et du début du xviiie siècle. Les personnages les plus célèbres de cette dynastie sont le graveur Gérard et le peintre ornemaniste Claude III.

    Gérard Audran (1640-1703) commença par étudier la gravure...

  • BAROQUE

    • Écrit par , et
    • 20 831 mots
    • 23 médias
    ...le domaine musical (Buxtehude, Pachelbel, Vivaldi, Rameau, Bach, Haendel, Telemann), et dans les arts plastiques. On lui donne quelquefois le nom de «  rococo », encore que cette appellation s'applique surtout, en France, aux arts ornementaux. On peut la définir, littérairement, par la remontée, parallèlement...
  • CHIPPENDALE THOMAS (1718 env.-1779)

    • Écrit par
    • 365 mots
    • 1 média

    On a peu de données précises sur la vie de Chippendale. On sait seulement qu'il naquit dans le Yorkshire et que son père, menuisier-ébéniste, s'installa à Londres dès 1727. Il est ainsi baigné très jeune dans le milieu des artisans du bois, parmi lesquels régnait alors un style national très particulier....

  • Afficher les 16 références