ROCOCO
La peinture
La grande peinture décorative, pendant le règne de Louis XV, a pour fonction principale de fournir des cartons de tapisserie. C'est là un phénomène proprement français. Le Brun et son équipe avaient eu à exécuter des décors monumentaux ; au xviiie siècle, les commandes de ce type sont rares. Après la chapelle de Versailles, dont Antoine Coypel peint le plafond en 1709-1710, on ne peut plus guère citer que le plafond du salon d'Hercule, qui occupe François Lemoyne de 1733 à 1736, ou la chapelle, détruite au xixe siècle, de l'hospice des Enfants trouvés, où Charles Natoire décore les murs et le plafond vers 1750. Pratiquement, la peinture en est réduite, selon une expression du même Natoire, à « se hucher sur des portes ». Le modèle des travaux que l'on demande aux peintres français est fourni, dans les années 1735-1740, par les décorations de l'hôtel Soubise, où il ne s'agit que d'orner des compartiments étroits et chantournés inscrits dans la voussure du plafond. La situation n'est pas la même en Italie ou en Allemagne, et, si l'on veut définir les caractères d'une peinture « rococo », ce n'est pas de cet étrécissement de la place que l'on doit partir.
Venise et les écoles italiennes
Le xviie siècle peut être considéré, selon un raccourci audacieux de Rudolf Wittkower, comme un siècle « sombre » en peinture. Une révolution d'importance s'accomplit autour de 1700 : c'est la renaissance de la peinture vénitienne et, avec elle, l'avènement d'une manière claire. Après la grande époque de Titien, Véronèse et Tintoret, Venise avait cessé de jouer un rôle central dans le développement de l'art ; l'intérêt se déplace alors vers Bologne et Rome, Gênes et Naples. Au xviiie siècle, en revanche, Venise et ses peintres jouissent de la position la plus brillante en Italie et leur rayonnement s'étend à toute l'Europe.
On reconnaît généralement en Sébastiano Ricci (1659-1734) l'initiateur du nouveau courant. Avec ce peintre dont l'activité s'étend depuis Venise jusqu'à Florence, Paris, Londres et Vienne, auteur surtout de fresques et de grands tableaux d'autel, on voit se dessiner un personnage d'artiste international dont Tiepolo sera le parfait représentant. Des œuvres comme celles que Ricci exécute en 1706-1707 à Florence (Apothéose d'Hercule, plafond, au palais Marucelli ; Diane et Actéon, ou plutôt Vénus et Adonis, plafond, au palais Pitti) peuvent servir à caractériser le tournant du style. Les modèles semblent encore romains et en particulier la grande nappe de nuages en diagonale qui porte le cortège d'Hercule évoque le souvenir de Baciccia au plafond du Gesù ; l'effet d'ensemble est pourtant bien différent. Les personnages sont espacés et la part faite au ciel, dont l'intensité lumineuse est renforcée par des apparitions à contre-jour comme celle du Mercure, est beaucoup plus importante. La lumière a perdu son caractère dramatique et, au lieu de sculpter les figures et de découper les volumes, elle les dissout et réduit les plus lointaines à l'état de silhouettes impondérables. Le coloris se fonde sur une gamme claire où viennent résonner quelques taches plus vives. Des motifs traités dans un esprit de naturalisme fantaisiste apparaissent, tels les chiens debout sur un rocher, au plafond du palais Pitti, dont l'un relève la tête pour examiner la conversation galante de son maître avec la déesse. Dans des dessins comme la Bacchanale conservée à l'Académie de Venise, les traits nerveux de la plume suggèrent les formes sans jamais les cerner et leur jeu, combiné avec les taches légères de lavis, donne une impression de clarté vibrante. La source d'inspiration de Ricci est clairement indiquée par un tableau comme le [...]
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Écrit par
- Georges BRUNEL : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, conservateur des objets d'art des églises de la Ville de Paris
- François H. DOWLEY : professeur à l'université de Chicago
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
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