LAVER ROD (1938- )
L 'exploit du tennisman australien Rod Laver – réussir par deux fois le Grand Chelem (1962, 1969) – prend encore plus de relief avec le temps. Avant lui, un seul homme, l'Américain Donald Budge en 1938, avait réalisé le Grand Chelem. Depuis son double triomphe, les plus grands champions ont échoué à s'imposer la même année dans les quatre tournois majeurs du tennis. Le Suédois Bjorn Börg ne parvint jamais à remporter les Internationaux des États-Unis, les Américains Jimmy Connors, John McEnroe et Pete Sampras ont toujours échoué sur la terre battue de Roland-Garros. Le Suédois Mats Wilander et le Tchécoslovaque Ivan Lendl ne sont jamais parvenus à s'acclimater au gazon de Wimbledon. Le Suisse Roger Federer lui-même n'a toujours pas réussi cet exploit, pas plus que l'Espagnol Rafael Nadal.
Le palmarès de Rod Laver – onze victoires dans les tournois du Grand Chelem, cinq succès en Coupe Davis – mérite encore plus le respect quand on sait qu'il ne put participer à ces compétitions pendant cinq ans, de 1963 à 1968, car il s'égara dans l'aventure du professionnalisme, ce qui lui rapporta quelque 700 000 dollars, soit moins que ce que touche aujourd'hui le vainqueur du tournoi de Wimbledon ou de Roland-Garros.
Rod Laver n'avait pourtant rien d'un champion racé au physique impressionnant : une petite taille, une silhouette malingre, des jambes arquées et des épaules tombantes. Mais il possédait une intelligence de jeu remarquable, une vitesse de déplacement qui lui permettait de frapper de son bras gauche la balle très tôt tout en avançant dans le court, un sang-froid à toute épreuve, qui lui permit de retourner souvent des situations compromises.
« The Rockhampton Rocket »
Rodney George Laver naît le 9 août 1938 à Rockhampton (Queensland). Gamin, il s'exerce au tennis en compagnie de ses deux frères aînés, Trevor et Bob, sur des terrains bosselés où il apprend à maîtriser les faux rebonds. On dit que, quand il ne jouait pas, il gardait constamment une balle dans la main gauche, qu'il passait son temps à comprimer, ce qui lui permit de développer et de muscler son avant-bras gauche. Dès l'âge de douze ans, il s'entraîne durement, à raison de 3 heures quotidiennes, avec Charlie Hollis. Une hépatite contractée à quatorze ans n'entame ni sa détermination ni sa progression. Il se lève à cinq heures du matin pour parcourir à bicyclette les 8 kilomètres qui séparent son domicile du centre d'entraînement et, après la classe, il revient travailler son tennis jusqu'au soir tombant. En 1956, il remporte les Internationaux des États-Unis chez les juniors ; l'année suivante, il s'adjuge les Internationaux d'Australie dans la même catégorie d'âge. Harry Hopman, l'entraîneur de l'équipe d'Australie de Coupe Davis, remarque rapidement son talent et le prend sous son aile. Impressionné par la vitesse de ce jeune homme au physique ordinaire (1,72 m, 68 kg), il le surnomme par dérision « The Rockhampton Rocket » (« la fusée de Rockhampton ») – un sobriquet qui allait passer à la postérité au fur et à mesure des succès de Rod Laver.
En 1959, Harry Hopman le sélectionne dans l'équipe d'Australie de Coupe Davis. Rod Laver se montrera toujours performant lors de cette compétition. Il remporte cinq fois l'épreuve (1959, 1960, 1961, 1962, puis 1973), gagnant vingt des vingt-quatre matchs qu'il a disputés dans ce cadre. En 1960, il s'adjuge son premier titre majeur, les Internationaux d'Australie, en battant en finale son compatriote Neale Fraser. Déjà, il fait preuve de sang-froid : mené 2 sets à 0, il parvient à retourner la situation (5-7, 3-6, 6-3, 8-6, 8-6). L'année suivante, il s'impose à Wimbledon, sur le gazon anglais où il triomphera quatre fois en simple.
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
Classification
Média