TÖPFFER RODOLPHE (1799-1846)
Pédagogue, dessinateur, écrivain, critique d'art, Rodolphe Töpffer doit à l'essor de la bande dessinée d'avoir été redécouvert au xxe siècle. Les spécialistes du neuvième art le considèrent aujourd'hui comme l'un des pionniers des histoires en images. Né à Genève le 31 janvier 1799, il est le fils de Wolfgang-Adam Töpffer (1766-1847), artiste peintre et caricaturiste. Très tôt, le père communique au fils son admiration pour le caricaturiste anglais William Hogarth (1697-1764) ainsi que son goût pour la peinture. Un goût qui le dispute chez le jeune homme au plaisir des promenades dans la nature. À dix-neuf ans, une maladie des yeux lui interdit toute carrière de peintre ; il étudie le grec, la littérature ancienne, et s'oriente vers l'enseignement. Son mariage en 1823 lui permet, grâce à la dot de sa femme, de fonder son propre pensionnat à Genève. De 1825 à 1842, il entreprend chaque année des excursions dans les Alpes avec ses élèves, des Voyages en zigzag dont les récits sont autographiés – une variante simplifiée de la technique lithographique – à partir de 1832, puis publiés à Paris en 1844 par son cousin, le grand éditeur d'ouvrages illustrés Jacques-Julien Dubochet.
Critique d'art, collaborateur de la Bibliothèque universelle de Genève, nouvelliste et pédagogue, il est l'auteur de productions très éclectiques. De 1830 à 1843, il donne douze opuscules – dont un consacré au daguerréotype, De la plaque Daguerre (1841) – qui seront réunis sous le titre Réflexions et Menus propos d'un peintre genevois, ou Essai sur le beau dans les arts en 1848. Pour ses élèves et amis, il dessine – là est sa modernité – des « histoires en estampes » : Histoire de Monsieur Vieux-Bois (1826), Monsieur Cryptogame (1830, et dont une version adaptée par Cham paraîtra en 1845 dans L'Illustration), puis Monsieur Jabot et Monsieur Pencil (1831). La transcription de l'action en images, la représentation subjective et humoristique des faits participent à l'espace du récit (cases de tailles différentes, paroles dans l'image). Les encouragements d'un Goethe octogénaire, sollicité par un ami de Töpffer, incitent leur auteur à publier ces histoires illustrées d'un genre nouveau que sont, en 1833, Histoire de Monsieur Jabot puis, en 1837, Histoire de Monsieur Crépin et Histoire de Monsieur Vieux-Bois dont des contrefaçons circulent dès 1839 à Paris chez Aubert. En 1840 paraissent Monsieur Pencil puis Le Docteur Festus, deux histoires illustrées dont la seconde se double d'une version romancée. En 1845, l'Histoire d'Albert (par Simon de Nantua), un pamphlet politique en images, exprime les convictions conservatrices de leur auteur opposé à la révolution radicale de Genève en 1841.
Toutes ces histoires illustrées mettent en scène des personnages excentriques entraînés dans des aventures extravagantes dont l'issue est souvent apportée par un mariage. Ce répertoire de types humains ridicules évoque les « physiologies » ces petits livres au ton enjoué, illustrés et bon marché, qui s'inspirent des mœurs contemporaines et des différents types sociaux. Ils étaient très en vogue au début du xixe siècle, sous l'influence du pasteur zürichois Johann Caspar Lavater, dont les Physiognomonische Fragmente (1775-1778) furent traduits et diffusés avec grand succès en France dès 1818-1820. Le docteur Craniôse dans l'Histoire de Monsieur Crépincaricature l'engouement pour la physiognomonie ; une critique déjà manifestée graphiquement avec la plus virulente dérision dès 1777 par Georg Lichtenberg (1742-1799), cet autre grand admirateur d'Hogarth. Dans son Essai de physiognomonie(1845) Töpffer interroge les ressorts expressifs de la caricature, manifestant là encore sa familiarité avec les œuvres de William Hogarth[...]
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Écrit par
- Nelly FEUERHAHN : chercheuse honoraire au CNRS
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