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LAPORTE ROGER (1925-2001)

Écrivain, essayiste, créateur, créature de sa propre écriture, tel est Roger Laporte. Comme en témoigne Une vie (1986), ouvrage unique dans tous les sens du terme, puisqu'il rassemble en un fort volume les neuf récits publiés par l'auteur, cet écrivain a tout donné à la littérature, sans rien en attendre d'autre que cet impossible don de soi.

Roger Laporte est né le 20 juillet 1925, à Lyon. La découverte de la littérature lui permet très jeune d'échapper à un milieu familial oppressant : Daudet (Le Petit Chose), Jules Verne, Balzac, puis très vite une boulimie de lecture qui l'amène à dévorer, pendant de nombreuses années, entre dix et quinze livres par mois. S'il perd la foi au sortir de l'adolescence, son œuvre restera marquée par l'appel rigoureux du „dehors“ et de l'absolu. Merleau-Ponty dirige sa maîtrise de philosophie sur Proust, prélude à une carrière de professeur qu'il terminera, dans les années 1980, comme directeur de programme au Collège international de philosophie.

De l'œuvre, on remarquera d'abord la variété, comme s'il lui fallait multiplier les tentatives pour cerner au plus près sa possible vérité. Carnets, journaux, Mémoires et réflexions – rassemblés dans sept livres confiés à autant d'éditeurs ou presque –, longues notes et „petits riens“ relatent les mille et une façons de traquer sans relâche le livre rêvé. Quinze variations sur un thème biographique (1975), puis Études (1991) précisent le sens de l'aventure. Ces deux recueils d'essais sont certes, d'abord, des livres d'hommage aux maîtres de Laporte : Blanchot, Kafka, Giacometti... Tous sont portés, comme lui, par une force vitale, par un élan tragique, hantés par une obligation de poursuivre, en cherchant quoi poursuivre et quel qu'en soit le prix ; il y a Mozart, aussi, dont l'œuvre touche au sublime : „Comment appeler autrement ce domaine, qui n'ignore pas la souffrance, qui la comprend, domaine au-delà de la Beauté, celui peut-être de cette „vraie vie“ dont rêvait Rimbaud ?“

Ainsi quand Roger Laporte questionne d'improbables destins, quand il accompagne Artaud, Van Gogh ou Hölderlin sur leur chemin de croix, c'est pour prendre toute la mesure d'un engagement de la vie, d'une épreuve „biographique“ qui obsède, par ailleurs, son œuvre d'écrivain. Lisant Kafka, Blanchot ou écoutant Mozart, parlant librement de ceux qui „l'ont initié à son propre travail“, il est conduit vers sa parole la plus secrète, celle qui accueille les sources et les ressources de la vie intérieure que cherche la „biographie“. Dans le sillage de l'autre s'accuse, alors, la distance la plus juste qui lui permet de poursuivre sa propre création.

Une vie témoigne de l'implacable déchirure de l'auteur : il est impossible d'écrire, et tout aussi impossible de vivre sans écrire. On l'imagine sans peine, cette „biographie“ est tout le contraire de l'autobiographie où un auteur se doit de présenter sa vie. Le livre, qui fourmille de détails sur la recherche, la quête de l'autre vie, qui se voue à corps perdu à „celui“ qui l'inspire – qu'est-il s'il vient à disparaître sans cesse ? –, ce livre raconte la vérité de l'expérience : ses exigences, sa mise en œuvre, tout ce qui se passe dès lors qu'un homme se trouve élu par l'inconnu, emporté par son ombre, fatalement désarmé face à une page blanche, vierge comme au premier jour... On retiendra alors, au cœur de la souffrance, dans la tension de la création, cette volonté de ne rien dire qui ne mette à nu et l'acte et la parole de l'écriture.

Dans les 9 livres qui recomposent Une vie, dans ses 614 pages, on mettra en évidence les deux extrêmes : La Veille (1963) et Moriendo (1983).[...]

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