NIMIER DE LA PERRIÈRE ROGER (1925-1962)
Le deuxième roman de Nimier, Le Hussard bleu (1950), donne son nom à un regroupement d'écrivains de la même génération. Les hussards des années cinquante, A. Blondin, M. Déon, J. Laurent, R. Nimier et quelques autres, s'opposent à l'existentialisme sartrien auquel ils reprochent sa conception pessimiste du monde et sa conception de la littérature engagée de gauche. Les hussards sont résolument de droite. Ils en appellent à la tradition française et se réclament de Paul Morand, Jacques Chardonne, Jean Giraudoux et Marcel Aymé. Ils veulent une littérature de pur plaisir, brillante et légère. Ils entendent aussi conquérir rapidement le monde des lettres : à la hussarde...
Roger Nimier de la Perrière commence en effet très tôt sa carrière. Élève brillant, il est lauréat du Concours général de philosophie. Il passe une licence et s'engage, en 1944, dans le régiment du 2e Hussards. Il publie son premier roman à vingt-trois ans : Les Épées (1948). Le personnage principal, François Sanders, passe de la Résistance à la collaboration et se trouve pris pour un héros national à la Libération. La deuxième partie de ce roman s'intitule Le Désordre : il faut sans doute y voir le jugement de l'auteur sur son époque.
En 1950, Nimier publie trois livres coup sur coup. Perfide, un court roman, raconte sur le mode ironique les mésaventures d'un père poète surréaliste avec son fils trop bon élève. Le Grand d'Espagne réunit des essais parus dans la presse ou en revue. Enfin, Le Hussard bleu vaut à son auteur un immense succès. Dans ce roman, Nimier retrouve François Sanders. À l'instar de l'écrivain, celui-ci s'est engagé dans les armées de la Libération. Nous suivons le jeune soldat en Alsace d'où il chasse l'occupant puis en Allemagne. Si l'on en croit Nimier, les troupes françaises étaient composées de résistants et de pétainistes fraternellement unis sous la direction d'officiers monarchistes et catholiques. L'auteur a voulu tracer le portrait d'une « génération perdue » par la guerre. Frustrés d'une adolescence normale, les jeunes hommes de Nimier sont encore des enfants qui, simplement, ont de vraies armes pour jouets.
Une étude philosophique, Amour et Néant (1951), et un roman, Les Enfants tristes, paru la même année, confirment l'image de Nimier. Le héros des Enfants tristes, Olivier Malentraide, se suicide parce qu'il trouve l'époque trop molle. Nimier commence alors une brillante carrière dans la presse (Opéra, Arts) et dans les revues (La Parisienne). Il entre comme conseiller littéraire aux éditions Gallimard, poste qu'il occupera jusqu'à sa mort. Cependant, il n'écrit plus : un seul roman paraît en 1956, Histoire d'un amour. L'auteur y retrouve les thèmes de ses précédents ouvrages qu'il transpose à la fin de la Première Guerre mondiale.
« Méfiez-vous de l'alcool, des belles voitures... », écrivait le vieux maître Chardonne à son jeune ami Nimier. Avertissement prémonitoire : en 1962, Nimier se tue dans un accident d'automobile. Cette mort à trente-six ans fixe le destin foudroyant d'un écrivain qui doit sans doute plus à son image publique qu'à son œuvre. Quelques mois plus tard, cependant, paraît un roman posthume : D'Artagnan amoureux. Dans cet hommage à Alexandre Dumas, Nimier fait vivre ses amis hussards sous les traits des trois Mousquetaires. Derrière la bonne humeur de l'auteur et son goût des jeux de mots perce le regret de n'être pas devenu ce qu'on se promettait d'être.
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Écrit par
- Jean-Pierre ÉNARD : écrivain
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