PLANCHON ROGER (1931-2009)
Un réalisme épique
Au cours de ces années, Roger Planchon s'est affirmé comme une personnalité majeure du théâtre en France. Outre son rôle actif dans l'évolution de la décentralisation et son questionnement sur le rôle du théâtre dans la société, ses mises en scène se révèlent constitutives d'une écriture scénique originale que sous-tend une réflexion critique sur l'œuvre représentée. Influencé par Brecht, qu'il a rencontré lors de la venue du Berliner Ensemble au Théâtre des Nations, Planchon devient l'adepte d'un réalisme épique déterminé par la fonction politique et sociale d'une œuvre. Du dramaturge allemand, il monte La Bonne Âme de Se-Tchouan (1954), Grand-Peur et Misère du IIIe Reich, (1956) et Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale (1960) auquel il confère une résonance particulière qui suscite débats et polémique. Si, au cours d'une production fructueuse, il aborde l'écriture contemporaine – Adamov, Vinaver, Gatti, Dubillard ou Pinter –, c'est dans son appropriation de classiques français tels que Marivaux, Molière, Racine, que s'expriment le plus lisiblement les caractéristiques de la pratique théâtrale du metteur en scène. Il dépouille ce répertoire des références traditionnelles qui lui sont accolées pour permettre une redécouverte de l'œuvre représentée. Abandonnant les aspects didactiques qui caractérisaient ses premières créations, il cherche davantage à monter sans démontrer et demeure attaché à l'éclairage des rapports sociaux dans leur mise en miroir avec l'Histoire. Dans l'affirmation d'un style qui garde ses distances avec l'avant-garde, son exploitation du réalisme (parfois baroque ou fantasmé), dont il devient un habile artisan, reste liée à l'expression d'un théâtre populaire.
Parmi les nombreuses créations de Roger Planchon, certaines ont été particulièrement marquantes et représentatives de son écriture scénique. En 1959, il présente une brillante lecture de La Seconde Surprise de l'amour de Marivaux, puis en 1960 un Georges Dandin, qui offre une peinture sans indulgence de ce paysan parvenu comme de l'aristocratie qui l'entoure. Il livrera une version différente de la pièce en 1987. En 1963, son Tartuffe, mémorable, cerne avec précision l'intrigue et les personnages placés sous un regard à la fois sociologique et psychanalytique. Une œuvre qu'il interrogera à plusieurs reprises, sans modifier profondément sa première mise en scène. En 1986, il confie à Michel Serrault le rôle d'Harpagon pour L'Avare, dont il éclaire avec acuité les différents conflits. On peut encore citer Bérénice (1966), son association de Racine et Molière sous la forme d'un diptyque avec Athalie et Dom Juan (1980), ou Le Triomphe de l'amour de Marivaux (1996). Autant de créations qui éclairent l'originalité et l'intelligence de son engagement et de son savoir-faire.
Au début des années 1960, Roger Planchon, nourri de sa pratique de comédien et de metteur en scène, aborde l'écriture dramatique. Sa première pièce, La Remise (1962) s'inspire de la dureté du monde paysan de l'Ardèche qu'il a côtoyé durant sa jeunesse. Cette veine rurale est entretenue avec L'Infâme et Le Cochon noir. Il écrit également Patte blanche (1965) sur fond de guerre d'Algérie, Bleus, Blancs, Rouges ou les Libertins (1967) fresque sur la Révolution française vue de province, La Contestation et la Mise en pièces du Cid, (1970), Gilles de Rais (1974), puis Le Vieil Hiver (1978) et Fragile Forêt (1981) dont les récits abordent les guerres entre papistes et protestants. Autant de textes qu'il met en scène lui-même, conjuguant ses thématiques personnelles avec des formes théâtrales plus naturalistes pour éclairer, au-delà du politique et du social, l'humain[...]
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Écrit par
- Jean CHOLLET : journaliste et critique dramatique
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