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VITRAC ROGER (1899-1952)

Roger Vitrac est considéré comme le grand dramaturge surréaliste alors même qu'il fut exclu du mouvement dès 1925, son œuvre théâtrale à peine commencée. Cette situation est une conséquence directe du mépris dans lequel André Breton tint le théâtre, pratique sociale à ses yeux compromettante et indigne des recherches artistiques modernes. Vitrac, tout en souffrant de cette exclusion, a néanmoins été fidèle à sa passion de la scène et à son désir d'en renouveler les principes.

L'enfance de Vitrac se partage entre son lieu de naissance, Pinsac, dans le Lot, et Paris, où ses parents s'installent en 1911. L'enfant est marqué par les incessants conflits conjugaux dans lesquels il est pris à partie ; il s'en souviendra dans sa « trilogie autobiographique », composée de son chef-d'œuvre, Victor, ou les Enfants au pouvoir (1928), du Coup de Trafalgar (1930) et du Sabre de mon père (1950). Cette trilogie, qui met en scène le regard lucide d'un enfant sur une société en décomposition, est caractéristique de la perspective cruelle à travers laquelle Vitrac entend démanteler le drame bourgeois.

Pendant son service militaire, Vitrac rencontre Crevel, Limbour et Arland, avec lesquels il fonde la revue Aventure. Celle-ci ne publiera que trois numéros, mais l'expérience permet au jeune homme de s'éloigner du symbolisme qui marquait ses premiers vers, de prendre part aux manifestations dada, puis de rejoindre le groupe d'André Breton en collaborant à Littérature. C'est dans la mouvance surréaliste qu'il écrit ses trois recueils de poèmes, La Lanterne noire (composé en 1925), Cruautés de la nuit et Humoristiques (1927), ainsi qu'un essai, Connaissance de la mort (1926). Les réelles affinités artistiques entre Breton et Vitrac ne suffisent pourtant pas à éviter l'exclusion de ce dernier, qui s'engage alors dans une expérience théâtrale originale au côté d'Antonin Artaud. Le Théâtre Alfred Jarry, qui de 1927 à 1929 ne propose que quatre spectacles faute de ressources financières, marquera l'histoire de la scène au xxe siècle. Dès 1926, Artaud déclare rechercher « toutes les hallucinations susceptibles d'être objectivées », projet qui entre en résonance avec les premières pièces de Vitrac. Influencés par la liberté langagière d'Ubu Roi de Jarry et par l'alogisme poétique des Mamelles de Tirésias d'Apollinaire, Le Peintre (1922), Mademoiselle Piège (1922), Poison (1923), Entrée libre (1924) et L'Éphémère (1929) se présentent comme des fragments oniriques, des condensés de visions intérieures. En 1927, Artaud met en scène trois tableaux des Mystères de l'amour, pièce qui propose une syntaxe de l'inconscient en action en confondant le réel, la fiction et le rêve. L'année suivante il crée Victor, ou les Enfants au pouvoir, fleuron de ce que le dramaturge nomme son « théâtre de l'incendie ».

Après l'échec du Théâtre Alfred Jarry et une brouille définitive avec Artaud, Vitrac poursuit sa carrière de dramaturge parallèlement à ses activités de journaliste et de dialoguiste de cinéma, qu'il ne considère que comme des gagne-pain. Son œuvre dramatique perd de sa densité subversive et ne rencontre que des demi-succès. Le dernier cycle de son théâtre, qu'il projetait d'intituler « La Vie comme elle est », ne renonce toutefois pas foncièrement à l'onirisme. Après Le Loup-garou (1934), Le Camelot (1936) et La Bagarre (1938), qui jouent des variations sur les thèmes du drame bourgeois, Médor (1939) renoue avec l'incongruité et la fantaisie du rêve. Peu avant sa mort, le dramaturge, miné par l'alcoolisme, achève ses deux dernières pièces : Le Sabre de mon père (1950) et Le Condamné (1951).

Le théâtre de Vitrac s'inscrit pleinement dans l'esthétique surréaliste[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Grenoble-IV-Stendhal

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