VAN DER WEYDEN ROGIER (1399 ou 1400-1464)
Héritier direct de Robert Campin, le peintre Rogier Van der Weyden est, avec son contemporain Jan Van Eyck, l'un des pionniers de la révolution artistique qui voit le jour dans les Pays-Bas méridionaux à la fin du Moyen Âge. Mais, contrairement à Campin ou à Van Eyck, chez qui prime le rendu méticuleux du monde extérieur, dans l'infinie diversité de ses accidents, Van der Weyden semble avant tout fasciné par la psychologie de ses personnages et il met sa virtuosité technique au service d'une exploration du monde intérieur. Cette conception nouvelle s'exprime dans des compositions mémorables, où la forme reste subordonnée à une dramaturgie soulignant l'interaction des figures.
Tournai et l'atelier de Robert Campin
C'est à Tournai, ville française au xve siècle, que Rogier de La Pasture voit le jour en 1399 ou en 1400 (il portera le nom flamandisé de Van der Weyden à partir de son installation à Bruxelles). Si l'on sait peu de chose de ses premières années, on peut légitimement supposer qu'il se forma dans l'atelier tournaisien du peintre Robert Campin, avant d'aller se perfectionner dans d'autres villes. Une mention fort contestée du Registre d'inscription à la Corporation de Saint-Luc signale son entrée officielle en apprentissage le 3 mars 1427. Il devient franc-maître à Tournai le 1er août 1432. Des documents retrouvés en 1993 montrent que Rogier resta actif dans sa ville natale jusqu'en 1435.
Plusieurs œuvres ont été attribuées à la période tournaisienne du peintre. Elles montrent que, à côté d'une indéniable influence de Campin, Rogier n'était pas insensible à la préciosité de l'art de Van Eyck. De cette période de formation pourraient dater la Vierge à l'Enfant de Madrid (musée Thyssen-Bornemisza), le Saint Georges de Washington (National Gallery of Art) ou encore La Crucifixion de Berlin (Staatliche Museen).
C'est aussi vers 1430-1435, alors qu'il s'émancipe de son maître, que Van der Weyden travaille à sa première composition importante, La Descente de Croix du Prado. Ce morceau de bravoure, commandé par le Serment des arbalétriers de Louvain, était destiné à orner le maître-autel de leur chapelle dans laquelle était vénérée depuis 1365 une Vierge de douleurs. Ainsi s'explique sans doute l'imbrication étroite du thème eucharistique – le sacrifice du Christ – avec celui de la souffrance de Marie. Cette « com-passion » trouve à s'exprimer visuellement dans une remarquable consonance formelle et psychologique entre le corps sans vie du Christ et celui de sa mère en pâmoison. La Descente de Croix est la seule œuvre relativement bien documentée de Van der Weyden.
À la production tournaisienne du maître, on attribue encore la Vierge Duràn (Prado, Madrid), le Triptyque de l'Annonciation, partagé entre le Louvre et la galerie Sabauda de Turin, l'attachant Portrait d'une jeune femme (Staatliche Museen, Berlin), œuvres qui témoignent de sa maîtrise et d'une facilité à traiter une gamme extrêmement variée de sujets. Rien d'étonnant dès lors à ce que l'artiste ait été appelé vers la nouvelle capitale administrative des territoires bourguignons.
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Écrit par
- Dominique VANWIJNSBERGHE : assistant à l'Institut royal du patrimoine artistique, Bruxelles
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Médias
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