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ROI DIVIN, anthropologie

Les pouvoirs du roi

Il est légitime d'examiner avec le même souci d'exactitude les observations relevées à propos des pouvoirs exercés par les rois sur la nature et des liens qu'ils entretiennent avec leur vigueur propre. Il y a là en effet un autre caractère essentiel de la divinité du roi.

On a retenu deux situations, bien étudiées, celle des Lovedu et celle des Nyoro, dont les souverains ont été qualifiés de rois divins par Frazer et Seligman. Les Lovedu forment un minuscule royaume situé dans une réserve de la province du Transvaal en Afrique du Sud. La tradition veut que les femmes qui règnent sur l'État, fondé à la suite d'une migration, se suicident par le poison après que quatre initiations ont été effectuées sous leur règne. Les dates des décès les plus récents et les circonstances dans lesquelles elles se donnent la mort sont rapportées dans The Realm of a Rain-Queen par E. J. et J. D. Krige.

Que dit-on des pouvoirs de la souveraine ? Si la condition physique de celle-ci doit être parfaite, elle paraît sans rapport avec le bien-être de la population : on ne craint ni ses défaillances physiques, ni sa vieillesse. C'est, précisent les Krige, son suicide qui lui confère sa divinité : elle meurt de son propre fait. Elle prend alors place parmi les ancêtres royaux qui, avec ceux du reste de la population, sont les destinataires des recours religieux. Il existe au-dessus d'eux un dieu créateur, Khuzwane, mais on ne lui rend aucun culte.

C'est des ancêtres que dépendent la santé de la population et la fertilité des terres. Des prières sont adressées et des offrandes faites à ces derniers : ils sont, en effet, enclins à se plaindre, affligeant leurs descendants de maux sans pour autant leur donner la mort, laquelle est souvent attribuée à la sorcellerie.

L'intervention de la souveraine vise essentiellement à obtenir de la pluie : elle est « celle qui transforme les nuages ». Son activité, associée avec celle d'un devin chargé de déterminer les raisons des sécheresses, a un double aspect. La reine possède des médecines qui sont conservées dans des pots de terre et dont le mode d'emploi doit rester secret ; cependant celles-ci ne doivent pas perdre leur force : on les nourrit de verdure et de termites. Le recours à ces moyens, que l'on peut qualifier de magiques, ne suffit pas : la reine ne peut agir sur la pluie qu'avec l'agrément des ancêtres royaux. Il arrive même qu'elle soit obligée de sacrifier sur leurs tombes pour obtenir l'eau. Les Krige, qui ont observé le fait, le commentent ainsi : « Ce sacrifice est extrêmement rare, mais il illustre le mélange habituel et significatif du religieux avec ce que l'on devrait qualifier de rite purement magique. »

Examinons le second cas. Le roi des Nyoro, le Mukama, est soumis à une étiquette qui règle tout le cours de sa vie. Il doit, au milieu de chaque nuit, gagner la laiterie royale pour achever d'y dormir ; au petit jour, de jeunes taureaux lui sont présentés, dont il touche le front en leur demandant de le mettre à l'abri du mal et en les priant d'être bénéfiques pour le pays. Sa journée est partagée entre les audiences et une visite au troupeau royal. Il est nourri, le matin et à midi, de lait que lui présente une vierge et, au repas du soir, il absorbe quatre morceaux de viande, que son cuisinier doit lui introduire dans la bouche sans toucher ses dents, sous peine de mort. Aucune personne, aucun animal malade ne doivent rester dans l'enclos royal.

Si la tradition exige qu'il soit en bonne santé, rien n'indique qu'il y ait une relation entre, d'une part, la vigueur du monarque et, de l'autre, la condition du troupeau, l'état de la végétation et la pluie.

Des recours religieux sont ouverts au monarque comme au reste de la population pour tenter de[...]

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Écrit par

  • : président de l'École pratique des hautes études, directeur d'études à la section des sciences religieuses

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