TOPOR ROLAND (1938-1997)
Parler de Roland Topor, c'est donner à lire, à entendre, à voir des obsessions jusque-là inconcevables dans une surprenante exubérance imaginative. Créateur aussi insolite que dérangeant, Topor dissèque l'humain, et ce, dans sa matérialité corporelle. La traduction expressive de cet univers passe par la plume, l'encre, la lithographie, la linogravure, la photographie, les chansons, les textes – nouvelles ou romans –, mais aussi la mise en scène, les rôles d'acteurs, la création de costumes, etc. Ces multiples facettes font de l'homme une figure éminemment éclectique de la scène artistique de la seconde moitié du xxe siècle. Avec une critique radicale de la condition de l'individu dans la sauvagerie du monde, Roland Topor introduit un grotesque fantastique qui revisite le registre humoristique traditionnel. L'extravagance débridée des motifs ne s'écarte pourtant jamais de la figure humaine malmenée à plaisir par une réalité absurde. Cet univers, où la cruauté le dispute à la jubilation, trouve son contrepoint sonore dans un rire qui affirme et signe l'indéniable charisme de l'artiste.
Le moment Panique
La naissance de Roland Topor, le 7 janvier 1938 à Paris, se place d'emblée sous le sceau d'une quête artistique, celle de son père qu'une bourse de l'Académie des arts de Varsovie attribuée en 1930 décida à l'émigration. Venus de Pologne, Abram Topor et Zlata Binsztok s'installent en France dans la période trouble de l'entre-deux-guerres. Renonçant à la sculpture pour la maroquinerie, plus apte à nourrir sa maisonnée, le père entretient en famille son intérêt passionné pour l'art et la culture avec des visites dominicales au Louvre. Très vite, le jeune Topor se trouve confronté à l'application des lois antijuives qui conduisent son père au camp de Pithiviers et font vivre l'enfant dans la terreur, le mensonge et l'humiliation. Après l'évasion réussie du père, la famille se réfugie en Savoie avec ses deux enfants, Hélène, la fille aînée, et Roland. De cette période date son choc avec la vie rurale, la proximité des animaux, d'abord vivants puis mis à mort pour devenir nourriture. De retour à Paris en 1946, Topor poursuit sa scolarité au lycée Jacques-Decour.
Celui qui préférera définitivement la dérision à la raison s'intéresse alors à Dada, Jarry, Tristan Tzara, ce qui ne le prépare pas aux épreuves conventionnelles du baccalauréat, mais lui ouvre les portes de l'École des beaux-arts de Paris (de 1955 à 1964). Son appartenance à l'école lui permet de prolonger son sursis d'incorporation au service militaire et d'échapper à la guerre d'Algérie. Une échappatoire en écho aux premières expériences traumatiques qui éclaire sans doute la noirceur des créations ultérieures. En 1958 paraissent ses premiers dessins dans Bizarre, Arts, Le Rire ainsi que ses premières nouvelles dans Fictions. Topor illustre L'Architecte (1959) de Jacques Sternberg.
L'insolite et la cruauté de son univers le conduisent à collaborer au journal satirique Hara-Kiri de 1961 à 1965. Les Masochistes (1960), son premier recueil de dessins, paraît chez Eric Losfeld avec une préface de Jacques Sternberg. En 1961, il reçoit le grand prix de l'humour noir. Totalement tragiques et absurdes, dans l'esprit du grotesque de l'Europe centrale, toutes les créations ultérieures de Topor resteront fidèlement placées sous le signe de la provocation et du bizarre. Si, par la suite, il participe occasionnellement au dessin de presse, sa vision inquiète de la réalité trouve un lieu plus à sa mesure dans Le fou parle,revue trimestrielle d'« art et d'humeur », dirigée par Jacques Vallet de 1977 à 1984. La création, en 1962, du groupe Panique, avec Fernando Arrabal et Alejandro Jodorowsky, pose opportunément[...]
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Écrit par
- Nelly FEUERHAHN : chercheuse honoraire au CNRS
Classification
Média
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