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LIEBERMANN ROLF (1910-1999)

Compositeur et homme de théâtre suisse, Rolf Liebermann a marqué son époque grâce à son action à la tête de l'Opéra de Hambourg et, surtout, comme administrateur général de l'Opéra de Paris.

Né à Zurich le 14 septembre 1910, il fait des études de droit à l'université de sa ville natale et étudie la musique avec José Berr (1929-1933). Puis il travaille la direction d'orchestre avec Hermann Scherchen à Budapest (1936) avant de devenir son assistant à Vienne (1937-1938) ; il travaille également la composition avec Wladimir Vogel (1940). Producteur à la Radio de Zurich (1945-1950) puis directeur de la section orchestre de la Radio suisse alémanique à Beromünster (1950-1957), il est ensuite directeur de la musique de la Norddeutsche Rundfunk de Hambourg (1957-1959).

Nommé intendant à l'Opéra de Hambourg (1959-1973), il y bouleverse les habitudes routinières, réalise des productions d'une grande qualité et commande vingt et un ouvrages à des compositeurs contemporains, au premier rang desquels Krzysztof Penderecki, avec Les Diables de Loudun (1969) et Mauricio Kagel, avec Staatstheater (1971), mais aussi Günter Bialas, Boris Blacher, Marius Constant, Gottfried von Einem, Giselher Klebe, Ernst Krenek...

En 1973, alors qu'il songe à se retirer pour se consacrer à la composition, Marcel Landowski, directeur de la musique, de l’art lyrique et de la danse au ministère des Affaires culturelles, le persuade d'accepter le poste d'administrateur général de l'Opéra de Paris. Liebermann va transfigurer le Palais Garnier, qui devient, sous sa direction, une des plus brillantes scènes lyriques du monde. Ainsi, la distribution qu'il parvient à réunir pour son spectacle inaugural le 7 avril 1973, Les Noces de Figaro, dans la mise en scène de Giorgio Strehler et des décors et costumes d’Ezio Frigerio, demeure un modèle : Gundula Janowitz, Mirella Freni, Frederica Von Stade, José Van Dam, Tom Krause, sous la direction de Georg Solti ; cette production exceptionnelle est toujours présentée à l'Opéra national de Paris.

Conscient de la nécessité de faire connaître l'art lyrique au plus grand nombre, Liebermann négocie avec les différentes catégories professionnelles la diffusion radiotélévisée de la plupart de ses spectacles : une première à l'époque. Il est également à l'origine du Don Giovanni filmé par Joseph Losey (1979). Et il ne se contente pas de faire venir les meilleurs chanteurs, chefs d'orchestre, metteurs en scène et décorateurs du moment. Il va beaucoup plus loin en bouleversant en profondeur les habitudes de travail avec un seul objectif, la qualité : fini les remplacements dans la fosse ; chaque ouvrage est servi par les mêmes musiciens et les mêmes choristes. Revers de la médaille : la disparition de la troupe permanente, qui lui sera beaucoup reprochée car elle prive d'emploi de nombreux chanteurs français. Par ailleurs, il forme une nouvelle génération d'administrateurs d'opéras : deux de ses proches collaborateurs occuperont également des postes clés, Gérard Mortier au festival de Salzbourg et Hugues Gall à l'Opéra national de Paris. De l’« ère Liebermann » se détachent trois productions : Les Contes d'Hoffmann d’Offenbach, mis en scène par Patrice Chéreau (1974), Faust de Gounod, dans une production controversée de Jorge Lavelli (1975), et la création, sous la direction de Pierre Boulez, de la version complétée par Friedrich Cerha de Lulu de Berg, mis en scène par Chéreau (1979). Liebermann passe également des commandes à Olivier Messiaen (Saint François d'Assise, qui sera créé au Palais Garnier en 1983) et André Jolivet (un opéra inachevé intitulé Bogomile). Mais, las des tracasseries administratives, il quitte Paris en 1980. En 1982, il signe sa première mise en scène, Parsifal, au Grand Théâtre de Genève.[...]

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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