ROM
Les Rom ont en commun une origine indienne, l'usage (ou le souvenir de l'usage) d'une langue appelée chib romani, un net sentiment de différence collective par rapport aux populations environnantes et plusieurs traits culturels, comme le rapport à la destinée, à la famille et aux enfants, aux biens matériels, etc. Présents en Europe, en Amérique du Nord comme du Sud et en Australie, mais aussi en Turquie et en Iran, les Rom constituent une population très majoritairement sédentaire (à plus de 95 p. 100) et toujours dispersée, dont les rares zones d'implantation compacte ne dépassent pas la taille d'un bourg. La population rom en Europe est estimée de 7 à 9 millions ; elle serait d'environ 2,4 millions en Roumanie, 840 000 en Bulgarie, 740 000 en Espagne, 540 000 en Turquie, 500 000 en Russie, 440 000 en Hongrie et en Serbie-Monténégro, 420 000 en Slovaquie, 340 000 en Grèce, 260 000 en France, 240 000 en République tchèque, 180 000 en Macédoine, 120 000 en Allemagne, 100 000 en Albanie, en Italie et au Portugal, 90 000 au Royaume-Uni, 70 000 en Biélorussie, 40 000 en Suisse et aux Pays-Bas, 30 000 en Bosnie et en Croatie, 25 000 en Autriche, 20 000 en Belgique, 15 000 en Pologne et en Suède, et moins de 10 000 dans les autres États. Dans le monde, elle pourrait atteindre 12 millions.
Leur traversée de l'Europe au Moyen Âge a donné d'eux l'image d'un peuple nomade, et ce stéréotype désuet survit, conforté par l'existence des quelques groupes, essentiellement en France et en Grande-Bretagne, qui ont intégré secondairement à leur mode de vie la mobilité héritée de la migration vers l'Europe.
L'endonyme (c'est-à-dire le terme par lequel les intéressés se désignent eux-mêmes) « Rom » ne recoupe qu'en partie l'exonyme « Tsigane » : en effet, selon le contexte, ce dernier, de sens très variable, recouvre soit les 4 à 5 p. 100 de Rom non implantés en un lieu fixe, soit à la fois ceux-ci et les quelques groupes non rom à mode de vie mobile (Travellers celtes, Yéniches germaniques, etc.) et/ou à implantation dispersée (Beás de Hongrie, Roudars de Roumanie, Balkano-Égyptiens, etc.), soit encore tous ces derniers joints à l'ensemble des Rom, indépendamment de leur mode de vie ; il a parfois même été autrefois étendu aux nombreux groupes de vagabonds et de pillards qui hantaient les campagnes. Cette imprécision, ajoutée au fait que « Tsigane » est injurieux dans bon nombre de langues d'Europe, explique pourquoi le nom de « Rom » lui est préféré de plus en plus pour désigner ce peuple.
Alors que de nombreuses recherches ont été consacrées aux Rom, il est surprenant que les travaux de valeur soient encore si peu nombreux, surtout au moment où s'affirme ce peuple comme un acteur à part entière sur l'échiquier européen. Après l'exposé des caractéristiques ethnoculturelles du peuple rom, nous rappellerons l'histoire de sa diaspora en Europe jusqu'au second conflit mondial. Une dernière partie retracera les progrès difficiles de sa reconnaissance en tant que peuple de 1945 à nos jours.
Anthropologie du peuple rom
Origine
Trois textes, datés respectivement de 1422, 1590 et 1630, établissent qu'à ces dates, les Rom se rappelaient encore leur origine indienne, occultée ensuite par la légende d'une origine égyptienne, puis redécouverte à la fin du xviiie siècle grâce à la comparaison entre la langue des Rom, le romani (ou rromani), et les langues indiennes.
Les anthropologues ont longtemps recherché parmi les groupes nomades de l'Inde ceux qui pourraient être apparentés aux Rom, ceci sans grand succès : certains traits des Lohara, Bandjara, Sansi et Cangar évoquent, sans plus, certaines similitudes, de même que les Dumaki, mais leur langue n'a rien à voir avec le romani. Une comparaison[...]
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Écrit par
- Marcel COURTHIADE : responsable de langue et civilisation romi à l'Institut national des langues et civilisations orientales, secrétaire adjoint de l'Union romani internationale
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