ROM
Histoire d'une diaspora
Les méprises d'une identification
Les premiers Rom avaient été précédés à Byzance dès le vie siècle par une secte orientale de magiciens et de devins errants et mendiants se réclamant du prêtre-roi Melchisédech et dont l'influence avait culminé au ixe siècle. On admet que leur dénomination grecque (Athinganoi qui signifie littéralement « Intouchés ») aurait été étendue par les Byzantins aux premiers Rom à leur arrivée et que cette désignation est à l'origine des diverses formes du mot « Tsigane », telles qu'on les rencontre dans plusieurs langues d'Europe.
De même, l'Asie Mineure avait vu transiter vers les Balkans, entre 306 et 327, d'importantes formations militaires en provenance d'Égypte – lesquelles semblent être à l'origine des Balkano-Égyptiens actuels, que l'on trouve surtout en Albanie, en Grèce et en Macédoine. Le souvenir de ces colonnes d'Aiguptianoi pourrait être à l'origine des désignations françaises d'« Égyptiens » et de « Gitans » (en espagnol : gitanos ; en anglais : Gipsies) données aux Rom. Les autres désignations, telles que « Sarrasins », « Tatares » ou « Bohémiens », proviennent également d'amalgames populaires avec divers groupes ou pays.
Apparition et expansion en Europe
Historiquement, une première migration de Rom couvre l'Europe dès le Moyen Âge à partir des Balkans et les migrants se fixent dès qu'ils le peuvent un peu partout, sauf en France et dans les îles Britanniques, où ils restent largement nomades. Les chroniques locales ont consigné assez fidèlement les premières apparitions de Rom en Europe et la stupeur qu'ils y ont provoquée (1407 en Allemagne, 1419 à Mâcon en France, 1427 près de Paris à La Chapelle, 1425 en Espagne). Après une période d'accueil bienveillant de la part des diverses cités à ces groupes se faisant passer pour pèlerins, accueil conforté par des lettres de protection de nobles locaux ou même d'empereurs et de papes, les autorités se ravisent brusquement, tout d'abord en Allemagne dans la seconde moitié du xve siècle. Elles interdisent l'accès des villes aux Rom et paient souvent pour les faire déguerpir. Cette attitude se durcit au siècle suivant et prend la forme de véritables campagnes généralisées de bannissement des Rom, accusés d'irréligiosité, de commerce avec le diable, d'espionnage au profit des Sarrasins, puis de vols d'enfants et de cannibalisme, enfin de brigandage, confondant dans un même rejet Rom, bandes de routiers, bandits de grands chemins et même acteurs ambulants. Commence alors une persécution en règle des Rom non sédentarisés, pour le simple délit d'« être tsigane », chassés d'une région à l'autre, d'un pays à l'autre, emprisonnés et envoyés aux galères (France), livrés comme gibier aux chasseurs (Allemagne, Suisse), fouettés, torturés, mutilés, pendus un peu partout – alors même qu'une partie de la population, souvent des nobles de renom, continue à les protéger. Certaines mesures tsiganophobes font date, comme la déclaration contre les Bohèmes de Louis XIV (1682) ou la Grande Rafle des Gitans ordonnée par Ferdinand VI d'Espagne (1749). En Autriche-Hongrie, Marie-Thérèse et son fils Joseph II tentent de faire des Rom de « nouveaux Hongrois » en dispersant à partir de 1761 les familles et en plaçant de force leurs enfants chez des paysans. Dans les principautés roumaines voisines, les Rom avaient été réduits en esclavage dès le xive siècle pour compenser la crise économique et démographique causée par l'avancée des Turcs. Les rebelles, appelés netoţi (« fous »), se réfugient dans les forêts et tiennent tête aux autorités. Cet esclavage de cinq siècles, dont l'atrocité a été décrite en abondance par les[...]
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Écrit par
- Marcel COURTHIADE : responsable de langue et civilisation romi à l'Institut national des langues et civilisations orientales, secrétaire adjoint de l'Union romani internationale
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