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ROLLAND ROMAIN (1866-1944)

L’écrivain français Romain Rolland, Prix Nobel de littérature en 1915, déclarait : « Je n'appelle pas héros, ceux qui ont triomphé par la pensée ou par la force. J'appelle héros, seuls, ceux qui furent grands par le cœur ». Il est l'un d'eux. C'est par cette grandeur-là qu'il survit. Aussi haut que l'on place l'œuvre, l'homme vaut mieux qu'elle. L'œuvre ne nous a pas encore tout dit, et le meilleur en est peut-être ce Journal et cette Correspondance, si riches en pages vivantes et pittoresques. Mais, de l'homme, on peut mesurer la stature. Enfant, il aurait voulu régner, comme Beethoven ou Berlioz, sur l'univers des sons. Il a de bonne heure renoncé à ce rêve, tout en demeurant quotidiennement fidèle à la musique, tout en réalisant une œuvre musicographique de premier ordre. Néanmoins, c'est sa vie qui est un chef-d'œuvre musical, une quête infatigable de l'harmonie entre les êtres, fondée sur la conviction que comprendre et aimer ne se séparent pas : « Pour moi, né musicien, j'ai tâché toute ma vie de réaliser la synthèse sonore des éléments opposés de mon être et de leurs lois. Les deux lois : [...] Vérité [...] Amour. »

Une dimension intérieure

Romain Rolland - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Romain Rolland

Né le 29 janvier 1866 à Clamecy (Bourgogne), normalien en 1886, agrégé d'histoire, docteur ès lettres avec une thèse principale sur l'Histoire de l'opéra en France avant Lully et Scarlatti (1895), Romain Rolland enseigne l'histoire de l'art à l'École normale, puis l'histoire de la musique à la Sorbonne. Son activité littéraire est d'abord tournée vers le théâtre. Ensuite, de 1904 à 1912, il publie, avec un très vif succès, les dix volumes de Jean-Christophe. La Première Guerre mondiale le trouve en Suisse. Dégagé de toute obligation militaire, il s'installe à Genève et publie dans Le Journal de Genève des articles recueillis en 1915 sous le titre de l'un d'entre eux : Au-dessus de la mêlée. Ce livre s'efforce de faire entendre entre les deux camps la voix de la vérité, de la justice et de l'amour. D'une incontestable noblesse d'intention, il est généralement peu compris, rencontre quelques ardentes sympathies, mais, dans l'ensemble, blesse l'opinion française et suscite contre Rolland des haines inexpiables.

Prix Nobel de littérature cette même année 1915, l'écrivain va être séduit, après la guerre, par la pensée de l'Inde, dont la sagesse contraste à ses yeux avec la faillite de la civilisation européenne. Il est l'ami de Tagore et de Gandhi. En même temps, il se rapproche de la Russie nouvelle. Après avoir condamné la brutalité sanglante du régime soviétique, il en vient à la juger inévitable et, vers 1930, déclare ouvertement sa sympathie. Romain Rolland ne s'inscrira jamais au Parti communiste français, mais, dans les quinze dernières années de sa vie, il en sera un des plus fidèles défenseurs. L'Âme enchantée (1922-1933), roman-fleuve dont la fin touche à l'actualité la plus contemporaine, retrace cette évolution.

Président d'honneur du Comité international antifasciste (1933), Rolland apparaît en 1936 comme le patriarche du Front populaire. Il quitte la Suisse et s'installe en 1938 à Vézelay (Bourgogne), où il passera toute la guerre. L'amitié de Claudel, qui tente de le faire revenir à la foi catholique, retrouvée en 1940, éclaire la fin de sa vie. C'est en vain. Âme profondément religieuse que la religion ne satisfait pas, Romain Rolland meurt à Vézelay, le 30 décembre 1844, fidèle à lui-même.

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Romain Rolland - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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