Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ROLLAND ROMAIN (1866-1944)

Le romancier

« Je me moque de la littérature. Si on lit ce que je fais comme de la littérature, on ne me comprend certainement pas. » Cette mise en garde de Romain Rolland doit être entendue. Elle dispense de souligner les faiblesses de Jean-Christophe et de L'Âme enchantée : banalité du style, défauts de la construction, part démesurée de l'analyse morale et sociologique. Elle s'applique moins, il est vrai, aux deux courts romans Pierre et Luce (1920), idylle d'amour et de mort qui se dénoue, le vendredi saint 1918, par le massacre de l'église Saint-Gervais, et surtout Colas Breugnon (1919), savoureux témoignage sur l'ascendance gauloise de l'auteur. Ici, selon le mot d'Alain, la forme est « conquise et disciplinée ».

La forme ne compte guère en revanche dans les deux grands massifs romanesques, dont le premier, Jean-Christophe, est inspiré par la menace de la guerre, le second, L'Âme enchantée, par la guerre et ses conséquences. L'ensemble n'en constitue pas moins un document unique sur la période 1880-1930. Rolland n'a pas l'habileté d'un Jules Romains. On sent dans son œuvre quelque chose de plus profondément ému et de proprement religieux. Il est vrai que L'Âme enchantée n'a pas connu, peut-être à cause d'un évident rétrécissement idéologique, le succès de Jean-Christophe. Toutefois, l'on comprend que Jean-Christophe conserve tant de lecteurs enthousiastes. C'est d'abord le roman du Rhin, de l'Europe vouée au sacrifice, de l'avant-guerre. Mais c'est aussi un livre qui rassemble et qui réconforte, l'histoire d'un compositeur de génie, dont l'enfance ressemble à celle de Beethoven, et surtout le poème des cœurs simples, des solitudes meurtries. Le véritable appel aux hommes de bonne volonté du monde entier, c'est ici qu'on l'entend de la façon la plus authentique. Déjà la Vie de Beethoven, en 1903, exprimait le même appel, et l'écho s'en répercutera dans les biographies qui se succéderont : Michel-Ange (1906), Tolstoï (1911), Gandhi (1924), Rāmakrishna(1929), Vivekānanda(1930), jusqu'à l'ultime témoignage, Péguy (1944). Toutes ces Vies sont animées d'une sympathie ardente, imprégnées d'une identique atmosphère d'héroïsme : « J'appelle héros, seuls, ceux qui furent grands par le cœur. »

— Jacques ROBICHEZ

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

Romain Rolland - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Romain Rolland

Autres références

  • CORRESPONDANCE 1919-1935 (P. Istrati et R. Rolland) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 1 066 mots

    Les 320 lettres réunies par Daniel Lérault et Jean Rière dans cette Correspondance 1919-1935 (Gallimard, 2019) témoignent de la richesse de l’échange entre Panaït Istrati (1884-1935) et Romain Rolland (1866-1944). Entre le haïdouk, le bandit d’honneur roumain, et le prix Nobel français de...

  • CLAUDEL PAUL (1868-1955)

    • Écrit par
    • 4 104 mots
    • 1 média
    ...aux poissons..., il était à fond de pessimisme et d'incurable désenchantement ». Ce n'est pas Claudel qui parle ainsi, ni un écrivain catholique, mais Romain Rolland, qui ajoute : « Il semblait bien qu'il n'y eût pas de place pour moi dans le Paris des lettres de 1893. Je m'y sentais terriblement isolé...
  • MYSTIQUE

    • Écrit par
    • 8 636 mots
    • 2 médias

    À l'analyse que Freud avait faite de la religion dans L'Avenir d'une illusion(1926), Romain Rolland opposait une « sensation religieuse qui est toute différente des religions proprement dites » : « sensation de l'éternel », « sentiment océanique » qui peut être décrit comme un « contact...

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène

    • Écrit par
    • 10 045 mots
    • 7 médias
    Le rêve d'un théâtre populaire fait obstacle aux conceptions de Craig et Appia. Paru en 1890, le livre de Romain Rolland, Le Théâtre du peuple, est devenu la bible des animateurs de théâtres russes quand ils ont voulu donner à la révolution soviétique un grand théâtre populaire. En Allemagne,...