WEINGARTEN ROMAIN (1926-2006)
Un temps, on a rattaché Romain Weingarten au « théâtre de l'absurde ». Lui se voulait « réaliste » dans la mesure où, précisait-il, « je tiens que les événements dits réels ne relèvent point des catégories fictives du hasard et de la nécessité mais du sens, comme il en va, dit-on aujourd'hui, de ceux du rêve ». À la rigueur, concédait-il, une « lointaine filiation » avec les surréalistes et, surtout, avec Roger Vitrac dont il avait mis en scène Le Loup-garou à Paris, au début des années 1980. Mais en dernier ressort, il se revendiquait d'un théâtre « poétique », qui, « tant par sa structure que par son langage, soit au théâtre ordinaire ce que la poésie est à la prose : de la poésie de théâtre ».
Né le 5 décembre 1926 à Paris, mais grandi en Bretagne, Romain Weingarten regagne la capitale pour étudier la philosophie à la Sorbonne. La découverte d'Artaud et de son livre-manifeste, Le Théâtre et son double, le propulse vers le théâtre. En 1946, il signe sa première pièce, Akara. Elle sera créée deux ans plus tard par le Groupe théâtral de la Sorbonne. Présentée trois fois au Théâtre Charles-de-Rochefort (l'actuel Théâtre Tristan-Bernard) dans le cadre du concours des jeunes compagnies, elle suscite aussitôt la polémique : mêlant violence et fantastique, présence de la figure magique du chat et rituel de mort, l'œuvre s'inscrit dans le droit fil des écritures d'avant-garde qui bousculent les scènes de l'après-guerre. C'est l'heure où, dans les petites salles du Théâtre de Babylone, de la Huchette ou des Noctambules, se révèlent Pichette, Ghelderode, Adamov, Beckett, Ionesco ou Audiberti qui voit dans l'accueil fait à Akara comme une « nouvelle bataille d'Hernani ».
Suit un long silence. Il faut attendre 1961 pour que Romain Weingarten présente une nouvelle pièce, Les Nourrices, au Théâtre de Lutèce, en 1961. Malgré le soutien de Ionesco, c'est un échec. En revanche, cinq ans plus tard, L'Été est célébrée comme un événement : à travers cette confrontation entre deux enfants et deux chats qui parlent, perdus dans une maison de campagne dominée par la figure de la mère absente, Romain Weingarten explore, entre veille et sommeil, les secrets de l'apprentissage du monde et de ses chagrins. Créée en 1965 à Darmstadt et présentée la saison suivante au Théâtre de Poche-Montparnasse, à Paris, cette oeuvre majeure va connaître un triomphe que seuls les événements de Mai-68 pourront interrompre. Elle reste l'une des pièces du répertoire français la plus jouée au monde.
Se succèdent, en 1967, Le Pain sec (repris en 1970 à la Comédie-Française sous le titre de Comme la pierre), Alice dans les jardins du Luxembourg (1970), La Mandore (1973), Neige (1979), La Mort d'Auguste (1982). Défiant les modes et le temps, Weingarten reste fidèle à son univers déroutant et magique, nourri d'un onirisme au souffle puissant. D'un texte à l'autre, il porte sur le monde le même regard singulier, acerbe et tendre, en quête du mystère des images et des mots.
Acteur de ses propres pièces et mises en scène (face à Nicolas Bataille, il fut en 1966 Sa Grandeur d'ail, l'un des deux chats philosophes de L'Été), mais aussi acteur sur d'autres scènes (il a été, entre autres, l'Arlequin des Fausses Confidences de Marivaux mis en scène par Gildas Bourdet en 1990), homme de télévision et de radio à l'occasion (on lui doit Aller-retour, un roman radiophonique cosigné avec Roland Dubillard), Romain Weingarten est également l'auteur d'adaptations de Brecht (La Bonne Âme de Se-Tchouan) et Shakespeare (Richard II), ainsi que de plusieurs recueils de poèmes et d'un roman, Le Roman de la table ronde ou le livre de Blaise (1983).
En 1998, le prix du théâtre de l'Académie française[...]
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Écrit par
- Didier MÉREUZE
: journaliste, responsable de la rubrique théâtrale à
La Croix
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