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ROMAN DE LA ROSE

Le <it>Roman de la Rose</it> - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Le Roman de la Rose

Plus de deux cent cinquante manuscrits ont conservé le Roman de la Rose, poème de 21 750 octosyllabes, chef-d'œuvre du xiiie siècle et monument de la littérature française qu'on peut comparer sans ridicule à l'œuvre de Dante ou à celle de Cervantès.

La critique moderne montre toutefois quelque réticence à lui accorder cette valeur exceptionnelle. En raison de sa dualité d'abord : aux 4 028 vers de Guillaume de Lorris s'est ajoutée, quarante ans plus tard, entre 1270 et 1285, la continuation de Jean de Meun, qui rend difficile l'appréciation de cette architecture composite. Mais aussi en raison de son hermétisme : allégorie énigmatique, dans la première partie, ironique dans la seconde, l'œuvre mêle des références savantes et occultes aux meilleurs procédés de la poésie et de la rhétorique. Ainsi, dès la fin du Moyen Âge, des interprétations contradictoires en ont été données, que reflètent les miniatures des manuscrits, ou la longue querelle opposant Gerson et Christine de Pizan (hostiles aux hardiesses et à l'antiféminisme de Jean de Meun ; Vision de Gerson, 1402) aux humanistes de Paris qui défendent le texte. Jean de Meun lui-même n'est il pas intervenu pour rectifier le sens caché de la première aventure ?

Guillaume de Lorris et l'aventure courtoise

La première partie due à Guillaume de Lorris se présente comme le récit d'un songe. Le narrateur se souvient d'un rêve de jeunesse, qui s'est avéré prophétique. Un matin de printemps, il part dans la nature, où les fleurs et les oiseaux manifestent la joie du renouveau. Il arrive bientôt devant un verger clos de murs infranchissables. D'effrayantes images y sont peintes, représentant des vices personnifiés ou des misères qu'on leur associe (comme Vieillesse et Pauvreté). Attiré par le chant des oiseaux, le narrateur trouve une petite porte qu'une belle demoiselle, Oiseuse (Oisiveté), vient lui ouvrir. À l'intérieur, on découvre une société joyeuse, entourant Amour. Ce personnage est armé de deux arcs et de dix flèches d'or ou de fer. À côté de lui, des personnifications des vertus et des qualités courtoises se livrent aux joies de la danse. Explorant le jardin où pullulent les espèces animales et végétales, le héros arrive près d'une fontaine : celle où Narcisse a trouvé la mort. Il s'approche avec crainte du miroir naturel au reflet de cristal dans lequel Cupidon a jeté sa graine pour prendre les amoureux. Il aperçoit, dans l'image réfléchie du jardin, un buisson de roses et, fasciné par un bouton près d'éclore, il se dirige vers lui. Alors, Amour lance cinq flèches, dont Beauté, et le nouvel amoureux, blessé, doit rendre hommage à ce redoutable seigneur. Il reçoit les commandements d'Amour, puis des conseils et des avertissements. Et c'est alors la série d'épreuves qui commence, les efforts pour se rapprocher de la rose, pour la cueillir, l'intervention de Danger qui repousse l'amoureux. Raison tente de le dissuader, Ami l'encourage. Il peut en effet obtenir un baiser. Mais Male Bouche (la Médisance), Honte, Peur et Jalousie vont susciter de nouveaux obstacles. Un mur est construit autour du parterre où sont gardées les roses, et Bel Accueil est retenu prisonnier dans une tour. Le récit de Guillaume de Lorris s'interrompt au moment où l'amoureux s'abandonne au désespoir.

Le nom des personnifications aide à déchiffrer l'allégorie. C'est la figuration d'une histoire d'amour courtois : un jeune homme s'éprend d'une jeune fille, cherche à la séduire, mais voit son entreprise évoluer selon les vicissitudes des sentiments, favorables ou défavorables, qu'éprouve pour lui l'aimée.

L'allégorie ne sert pas à déguiser une confession. Elle donne à l'aventure un caractère exemplaire :[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne

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