ROMAN DE LA ROSE (G. de Lorris et J. de Meun) Fiche de lecture
Composé vers 1230 par Guillaume de Lorris, dont nous ne savons rien, le Roman de la Rosea été continué quarante ans plus tard environ par Jean de Meun. Ce clerc très savant, lié au milieu universitaire parisien, fut aussi l'un des premiers traducteurs en français : on a notamment conservé ses traductions de la Consolation de Philosophie de Boèce et des Lettres d'Héloïse et d'Abélard. La continuation de plus de 18 000 vers octosyllabiques que Jean de Meun a donnée aux 4 000 vers environ composés par Guillaume de Lorris frappe d'emblée par la différence de ton, de style et d'ambition.
Dans le Verger d'Amour
Au seuil de l'œuvre, Guillaume de Lorris annonce que dans son Roman de la Rose, dédié à celle qui est digne « d'estre rose clamée, l'art d'amours est toute enclose ». D'emblée situé dans la tradition de l'Art d'aimer d'Ovide, le récit émane d'un « je », le narrateur, qui a fait cinq ans auparavant le rêve qu'il relate. Or ce rêve, précise-t-il, s'est déjà « avéré ». Sont alors détournés des procédés propres à la littérature morale : pour rapporter un songe qui n'est pas mensonge, mais qui n'a d'autre vérité que l'expérience personnelle du rêveur, le « je » recourt à l'entrelacement des allégories qui vont guider la quête érotique. Le narrateur affirme aussi que ce récit a un sens caché – une senefiance – qui sera révélée à la fin du parcours.
Quant à l'aventure du jeune homme qui s'éprend dans le Verger de Deduit (Plaisir) d'un bouton de rose, élu au miroir de la Fontaine de Narcisse, elle met en récit avec brio les motifs et les lieux clés de la lyrique courtoise. Le rêveur, cependant, ne parvient pas à cueillir la rose enfermée par Dangier dans le château de Jalousie. Du moins a-t-il su se détourner de l'exemple de Narcisse : il s'est miré dans la fontaine périlleuse, mais pour s'éprendre du bouton de rose et tenter de le cueillir dans le verger bien clos de l'amour courtois.
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Écrit par
- Emmanuèle BAUMGARTNER : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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