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ROMAN DE TROIE, Benoît de Sainte-Maure Fiche de lecture

Composé à la suite du Roman de Thèbes (vers 1150) et en même temps ou peu s'en faut que le Roman d'Énéas (vers 1160), le Roman de Troie (vers 1165 au plus tard) de Benoît de Sainte-Maure (seconde moitié du xiie siècle) s'inscrit dans le mouvement de retour vers les sources classiques qui s'est alors affirmé dans la France de l'Ouest, sous l'impulsion plus ou moins directe d'Henri II Plantagenêt (duc de Normandie, comte d'Anjou, puis roi d'Angleterre de 1154 à 1189) et de son épouse, Aliénor d'Aquitaine.

Un roman des origines

Mettant en « roman », c'est-à-dire en français, des textes dont la connaissance est alors réservée au monde des clercs (la Thébaïde de Stace, l'Énéide, mais aussi les œuvres d'Ovide), les auteurs de ces trois récits – dits « romans antiques » – ont pour objet explicite d'ouvrir au public laïc des cours seigneuriales l'accès à un savoir présenté comme historique, ainsi qu'à des modèles de conduite et de comportement social et individuel transposables dans la « modernité » du xiie siècle. En rivalité ouverte avec leurs modèles latins, ils ont également inventé en français, dans le moule contraignant du couplet d'octosyllabes à rimes plates, un art du récit fondé sur la recherche d'un style orné et sur la place de plus en plus importante donnée à la représentation et à l'analyse du sentiment amoureux. De cette entreprise, le Roman de Troie est à plus d'un titre le représentant le plus abouti.

Par son ampleur déjà. C'est en plus de trente mille vers que le clerc Benoît a conté l'histoire troyenne. Le récit prend naissance aux origines mêmes de la cité, avec l'expédition des Argonautes et les amours de Jason et de Médée, expédition qui entraîne la première destruction de Troie et sa splendide reconstruction par Priam : « Les Troyens avaient trouvé leur cité dévasté, mais ils la reconstruisirent cent fois mieux, refaisant une ville de toute beauté et de noble allure. Priam mit tout son cœur à la relever. Il l'entoura soigneusement d'une bonne muraille de marbre, haute, épaisse et solide. Les parapets s'élevaient très haut, au moins à une portée d'arc. » La partie essentielle est consacrée à la guerre. Le rapt d'Hélène par Pâris, les treize batailles qui opposent Grecs et Troyens alternent avec les longues scènes de conseils et de débats politiques, les portraits des héros grecs et troyens, les descriptions des nombreuses merveilles de la cité, surtout les difficiles amours des différents couples brisés par la guerre. En dépit de l'ultime intervention de Penthésilée, reine des Amazones, la ruine de la cité est consommée. Mais à son « Iliade » Benoît enchaîne une « Odyssée » en contant, plus brièvement, les retours catastrophiques des différents chefs grecs et celui d'Ulysse, qui est tué par le fils qu'il a eu de la magicienne Circé.

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Autres références

  • BENOÎT DE SAINTE-MAURE (fin XIIe s.)

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    Auteur du Roman de Troie, poème de 30 000 octosyllabes, où se mêlent la légende et l'histoire des Grecs. Il ignorait le grec et utilisa deux narrations latines du siège de Troie, tenues pour véridiques ; l'une, composée au vie siècle, était attribuée à un Phrygien, Darès, l'autre,...

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    ...l’intrigue, qui devient évidente lorsque l’on compare les narrations en prose avec leurs modèles en vers. C’est le cas, par exemple, des mises en prose du Roman de Troie avec l’original en vers de Benoît de Sainte-Maure. Mais la prose française montre surtout son originalité au niveau de l’organisation...