JAKOBSON ROMAN (1896-1982)
Le cercle linguistique de Prague : la phonologie
En 1920, Jakobson s'établit en Tchécoslovaquie, où il vivra jusqu'en 1939 ; malgré certaines oppositions officielles, il y enseignera, à l'université Mazaryk de Brno. Pendant cette période, son génie scientifique s'épanouit pleinement. Son activité est intimement liée à celle du cercle linguistique de Prague. Il participe à sa fondation, en 1926, en est nommé vice-président, et s'en montre un des porte-parole les plus incisifs. En collaboration étroite avec N. S. Troubetzkoy, il jette les bases de la doctrine phonologique, notamment de la théorie des oppositions distinctives ; dans ses « Observations sur le classement phonologique des consonnes » (1939), il esquisse sa conception des oppositions distinctives binaires : le système phonologique de chaque langue se laisse ramener à un petit nombre d'oppositions binaires, prises dans un inventaire universel relativement limité ; le phonème n'est donc pas la plus petite unité phonologique, et les consonnes comme les voyelles se laissent analyser en termes des mêmes oppositions. En phonologie, Jakobson ne se borne pas à l'étude synchronique de langues isolées. Il jette les bases d'une théorie phonologique universelle, et apporte des contributions essentielles à la géographie linguistique (étude des aires) et à la phonologie diachronique : dans ses « Remarques sur l'évolution phonologique du russe... » (1929), il entreprend de montrer que la structure d'un système phonologique joue un rôle crucial dans l'évolution. Il prend ainsi le contre-pied de la conception atomistique des néo-grammairiens, dépassant en même temps Saussure qui, « structuraliste » en synchronie, était proche des néo-grammairiens en diachronie. Durant cette période tchécoslovaque, l'activité de Jakobson ne se borne pas à la phonologie. Il publie des études sur la théorie linguistique générale (notions de marque, de signe « zéro »), la morphologie (études sur les cas, les aspects verbaux, etc.), la culture et la littérature slaves médiévales, le folklore, la sociolinguistique, la métrique, la poétique (voir ses études sur Maïakovski et sur la prose de Pasternak), et même le cinéma, le théâtre et la peinture.
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Écrit par
- Nicolas RUWET : professeur de première classe à l'université de Paris-VIII, responsable du D.E.A. et de la formation de recherche en linguistique
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