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ROMAN, notion de

Après avoir défini la langue vulgaire, par opposition au latin, le mot « roman » désigne au xviie siècle des « histoires feintes d'aventures amoureuses, écrites en prose avec art, pour le plaisir et l'instruction des lecteurs ». (Pierre Daniel Huet, Traité sur l'origine des romans, 1670). Genre narratif comme l'épopée, le roman diffère de celle-ci par l'usage de la prose et par le traitement de sujets moins nobles. Protéiforme, il peut revêtir des apparences variées : épistolaire, picaresque, naturaliste, réaliste, etc. Le roman constitue en effet le support dont les contraintes formelles, à l'inverse du théâtre ou de la poésie, sont les plus souples, ce qui fera dire à André Malraux, dans L'Homme précaire et la littérature (1977), qu'il s'agit d'un « genre [...] vague, devenu moyen d'expression de ce qu'on appela longtemps la sagesse ».

Un genre protéiforme

L'art du roman, c'est d'abord celui d'inventer des regards et des voix. Car il s'agit de faire raconter des événements à travers le regard d'un narrateur qui dirige la conduite du récit. Si la première personne a très tôt été utilisée pour renforcer la perspective subjective ou pour lui donner les traits d'une autobiographie imaginaire, très souvent, aussi, le roman utilise la troisième personne. Il témoigne alors d'un souci de réalisme, d'objectivité. Enfin, plus rarement, le narrateur utilise la deuxième personne. Tel est le pari que réalise Michel Butor dans La Modification (1957), où le « tu » peut désigner à la fois le lecteur, héros malgré lui de la fiction, ou le dédoublement de la conscience du narrateur.

Le lecteur imagine donc les événements rapportés à travers les yeux d'un narrateur, qui peut intervenir ou feindre de ne pas intervenir dans le récit. Gérard Genette, dans Figures III (1972), nomme « focalisation zéro » ou « vision par derrière » le type de narration où toutes les informations nécessaires sont données, le plus souvent dans un souci réaliste. Les romans d'Honoré de Balzac (1799-1850) font souvent intervenir ce « narrateur omniscient » qui connaît à la fois l'apparence des choses et l'intériorité des êtres. La « focalisation interne », ou « vision avec », offre une narration dont les informations se limitent au point de vue du personnage. Dans Voyage au bout de la nuit (1932) de Louis-Ferdinand Céline, le lecteur voit la guerre à travers les yeux de Bardamu ; ce procédé permet à l'auteur de restituer l'impression de confusion et de désordre ressentis par les combattants. Enfin, la « focalisation externe », ou « vision du dehors », décrit une narration qui souffre d'un déficit d'informations, où le lecteur semble en savoir moins que le personnage, comme dans La Jalousie (1957) d'Alain Robbe-Grillet. Ces points de vue s'accompagnent d'un choix narratif entre « récit » et « discours ». Déterminé par Émile Benveniste dans Problèmes de linguistique générale (1966), le récit privilégie l'emploi de la troisième personne et celui du passé simple, temps plus « objectif » car coupé de l'instance énonciative. Le discours quant à lui utilise la première personne et le présent, ou le passé composé, temps du passé en lien avec l'instance énonciative.

Marcel Proust - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Marcel Proust

Hormis une voix, qui détermine avec le lecteur un rapport particulier, le roman construit une temporalité. Le temps narré n'est pas nécessairement linéaire. Retours en arrière, anticipations, ellipses sont autant de façons de briser la chronologie. La narration peut ainsi subir des décalages entre le temps de l'histoire et celui du récit, déterminant le « rythme » du roman. Mais, au-delà de ces techniques narratives, il est fréquent que le temps soit directement utilisé comme thème romanesque.[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée de lettres modernes, docteure en lettres modernes et en arts du spectacle

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Médias

Marcel Proust - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Marcel Proust

<it>Don Quichotte de la Manche</it> - crédits :  Bridgeman Images

Don Quichotte de la Manche

<em>Les Misérables</em>, V. Hugo - crédits : Géo Dupuis/ musée Victor Hugo, Paris/ AKG Images

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