POLICIER ROMAN
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Planète polar
Les pays nordiques
Depuis la fin des années 1960, le roman policier à contenu social s'est développé dans de nombreux pays. En Suède, dès 1965, le couple formé par Maj Sjöwall et Per Wahlöö se livrait à une violente critique du « paradis suédois » avec une série de dix enquêtes menées par l'inspecteur Martin Beck et ses hommes. Ce changement radical au cœur d'une littérature policière jusque-là assez classique a généré, non seulement en Suède mais dans pratiquement tous les pays nordiques, plusieurs générations d'écrivains qui s'expriment de façon critique sur la société. Dans un registre proche du couple Sjöwall-Wahlöö qui l'a inspiré, on trouve Mankell (Meurtriers sans visage) dont la série qui a pour héros l'inspecteur Kurt Wallander obtient un grand succès en France, ce qui incite les éditeurs à accorder une place importante aux auteurs suédois. Parmi ceux qui sont traduits, Kjell-Olof Bornemark (1924-2006) débute avec un récit d'espionnage atypique (La Roulette suédoise, 1982), puis il met en scène un laissé-pour-compte que son exclusion de la société va conduire à un geste fatal (Coupable sans faute, 1989). Staffan Westerlund entame avec L'Institut de recherches (1983) une série consacrée à Inga-Lisa, une avocate spécialisée dans la défense de l'environnement. Le criminologue G. W. Persson, conseiller auprès du ministre de la Justice, donne une trilogie sur « le crime et le châtiment en Suède » (1978-1982) avec comme protagoniste le policier Lars Martin Johansson, qui n'hésite pas à dévoiler les manipulations politico-financières et les corruptions de fonctionnaires. On retrouve Johansson vingt ans plus tard dans La Nuit du 28 février (2002) qui évoque l'assassinat jamais élucidé du Premier ministre Olof Palme en 1986. Ni ce dernier ni aucun des autres acteurs de ce drame n'est nommé. Mais, usant du roman à clé, l'auteur démontre comment l'incurie combinée du gouvernement, de la police et des services secrets a rendu possible ce meurtre et impossible sa résolution. Parmi les récents romanciers suédois, citons Ake Edwardson, créateur d'une série avec le commissaire Erik Winter de Göteborg, Liza Marklund qui, après avoir été grand reporter à la télévision, met en scène la journaliste Annika Bengtzon qui mène des enquêtes dangereuses (Studio Sex), tandis que sa consœur Karin Alvtegen (petite nièce d'Astrid Lindgren, la créatrice de Fifi Brindacier) s'est fait connaître avec un thriller psychologique fort réussi (Recherchée). La juriste Asa Larsson donne un beau portrait d'une avocate, Rebecka Martinsson, confrontée à une secte messianique lorsqu'elle retourne dans le village lapon de son enfance (Horreur boréale). Issue du courant appartenant au roman prolétarien, Aino Trosell s'est orientée à partir de 1999 vers le roman policier tout en continuant à jeter un regard critique sur la société suédoise, comme le démontre Si le cœur bat encore (1998). Il s'agit du premier volet d'une trilogie, dont la protagoniste, Siv Bahlin, est aide-soignante dans une maison de retraite. Mais la trilogie qui a fait le plus parler d'elle a pour titre Millenium et pour auteur Stieg Larsson (1954-2004), mort prématurément peu après avoir achevé son manuscrit. Ces trois récits ont pour personnages centraux le journaliste Mikael Blomkvist et la sauvage Lisbeth Salander, placée sous tutelle, confrontés à de dangereux personnages. Une saga haletante et un succès public indéniable. Une autre série signée Camilla Läckberg a séduit le lectrorat français. Débutant avec La Princesse des glaces (2002), elle met en scène Erica Falck, une biographe de trente-cinq ans qui habite Fjällbacka, un petit port de pêche suédois et possède une grande expérience du crime. Compagne de l’inspecteur Patrik Hedström, elle l’épouse dans le quatrième volet de ses aventures (L’Oiseau de mauvais augure, 2006).
Aux Pays-Bas, Janwillem Van de Wetering (1931-2008) recrée l'atmosphère d'un commissariat d'Amsterdam proche de celui d'Ed McBain, au moins à ses débuts. Car ces policiers bataves, adeptes de la pensée orientale, sont les plus zen du genre. Maître de la comédie policière, Elvin Post revendique l’influence des frères Coen (Jour de paie ; Faux et usage de faux ; Losers nés). À noter aussi en Belgique flamande, l’émergence de Pieter Aspe, désormais célèbre grâce au commissaire Van In et à son assistant, l’inspecteur Versavel, qui arpentent les rues de Bruges (Le Message du pendu, 2002).
En Finlande, une passionnante série de Matti Yrjänä Joensuu (1948-2011) nous plonge au cœur de la délinquance. L'action se déroule à Helsinki, avec l'inspecteur Timo Harjunpää (Harjunpää et le fils du policier). De son côté, Leena Lehtolainen publie les enquêtes de Maria Kallio (Mon Premier Meurtre), une femme policier très populaire chez les lecteurs finlandais. Le romancier américain James Thompson, qui habite ce pays depuis de nombreuses années, est l’auteur d’une série consacrée à Kari Vaara, inspecteur de la criminelle d’Helsinki qui débute avec La Nuit glaciale du Kaamos(2009). Dans l’épisode suivant, Meurtre en hiver polaire (2011), Vaara enquête sur un ancien héros soupçonné de crimes de guerre.
Chez les Danois, Leif Davidsen (La Femme de Bratislava) s'est rendu célèbre par ses plongées dans l'histoire qu'il ausculte à la manière d'un Didier Daeninckx. En 2007, Jussi Adler-Olsen crée la sensation avec Miséricorde, première enquête du département V, composé d’un policier sur la touche, Carl Mørck, et de son assistant, Hafez el Assad, d’origine syrienne. Couronnée de plusieurs prix internationaux, cette première enquête a été suivie par Profanation (2008), Délivrance(2009), et Dossier 64 (2010). L’auteur a prévu une série de onze volumes. Frère et sœur, Søren et Løtte Hammer écrivent à quatre mains les enquêtes d’une brigade de policiers de Copenhague dirigée par l’inspecteur en chef Konrad Simonsen. Cette série débute avec Morte la bête (2010) puis Le Prix à payer (2010). Le troisième volet, Le Cercle des cœurs solitaires (2011), s’attarde sur la jeunesse de Simonsen et ses débuts dans la police, une plongée dans le passé marquée par les illusions perdues d’une génération. Enfin, le Finlandais Antti Tuomainen signe un best-seller dès son premier livre, La Dernière Pluie (2010), où un homme recherche sa femme journaliste, disparue alors qu’elle enquêtait sur un serial killer.
On doit lire également Flemming Jarlskov (Coupe au carré), Peter Hoeg (Smilla et l'amour de la neige) et Dan Turell, dont le détective privé lorgne du côté de Hammett (Mortel Lundi), alors que celui du Norvégien Gunnar Staalesen (Le Loup dans la bergerie) fait plutôt penser au Philip Marlowe de Chandler. En parallèle à cette passionnante série, Staalesen a écrit la saga de sa ville natale (Le Roman de Bergen, six volumes), tandis que Jo Nesbo est en tête des ventes avec L'Étoile du diable, ce signe qu'un tueur en série laisse auprès de ses victimes (il leur coupe un doigt). Parmi les autres auteurs norvégiens, citons Ann Holt (La Déesse aveugle), Karin Fossum (Celui qui a peur du loup), Morten Harry Olsen (Tiré au sort), Fredrik Skagen (Black-Out), Kim Smage (Sub Rosa) et Pernille Rygg (L'Effet papillon). Dernière révélation, Mikkel Birkegaard, auteur du best-seller La Librairie des ombres (2007), où les livres ont pouvoir de vie et de mort.
La surprise vient d'Islande. Ce pays de 350 000 habitants compte maintenant de nombreux auteurs traduits à l'étranger : Olafur Haukur Simonarson (Le Cadavre dans la voiture rouge), Arni Thorarinsson (Le Temps de la sorcière), Olafur Johan Olafsson (Absolution) et le plus populaire à ce jour, Arnadur Indridason. Les enquêtes de son commissaire Erlandur dans La Cité des jarres, puis dans La Femme en vert et dans La Voix lui ont valu un succès international. D’autres auteurs depuis se sont manifestés : Steiner Bragi (Installation), Stefan Mani (Noir karma), Yrsa Sigurdardottir (Ultimes rituels), Jon Hallur Stefansson (L’Incendiaire), Kjell Westö (Les SeptLivres de Helsingfors).
Allemagne et Autriche
L'école allemande est florissante avec Horst Bozetsky, Hansjorg Martin (1920-1990), Jürgen Alberts, Frank Goyke, Pieke Bierman, Jacob Arjouni (1964-2013) ou Bernhard Schlink. Affaires criminelles, racisme, déviances, scandales : leurs romans passent au crible l'histoire de l'Allemagne réunifiée. Citons encore Ingrid Noll et ses sombres intrigues familiales (Confession d'une pharmacienne) et Christian V. Ditfurth dont le protagoniste, un historien de Hambourg, le Pr Stachekmann, est confronté à la Stasi, quatorze ans après la chute du Mur de Berlin et la disparition de la R.D.A. (Frappé d'aveuglement). Un thème qu'on retrouve dans Welcome OSSI de Wolfgang Brenner. D’autres voix se manifestent, comme celles d’Andrea Maria Schenkel, qui explore le passé (La Ferme du crime), de Jan Costin Wagner, à qui la Finlande sert de décor (Lumière dans une maison obscure), ou de Volker Kutscher, créateur du commissaire berlinois Gerson Rath, qui enquête dans un studio de cinéma suite à la mort de deux actrices (La Mort muette). En Autriche, le plus brillant romancier est sans conteste Wolf Haas, créateur du détective privé Simon Brenner, bourru, totalement dépourvu de méthode et de flair. Ses enquêtes sont jubilatoires, en particulier Silentium, où il est confronté à des pratiques pédophiles dans un établissement scolaire dirigé par des religieux. Parmi les nouveaux venus, Heinrich Steinfeld (Le Onzième Pion) mêle pour le plus grand plaisir du lecteur ironie, aphorismes et la digression existentielle ; Richard Birkefeld et Goran Heichmeister explorent à quatre mains l’Allemagne des années 1930 ; Sebastian Fitzek est surnommé le numéro un du suspens. Mais il ne faut pas oublier aussi des romancières de talent comme dans les autres pays d’Europe : Nele Neuhaus, Alex Berg (Zone de non droit), Tina Uebel (La Vérité sur Frankie).
Italie
Après les années noires où la littérature policière avait été interdite par Mussolini, Giorgio Scerbanenco (1911-1969) fait figure de pionnier. Considéré comme le père du roman noir italien, il met en scène Duca Lamberti, radié du conseil de l'ordre des médecins pour euthanasie, et n'a pas son pareil pour décrire le banditisme organisé et les affaires louches à Milan (Vénus privée, 1966). À la même époque, on peut également citer le duo formé par Carlo Fruttero et Franco Lucentini (La Femme du dimanche, 1972), et Leonardo Sciascia, grand pourfendeur de la Mafia dont le roman Le Contexte (1971) a inspiré le film Cadavres exquis (1975) de Francesco Rosi. Un des vieux amis de Sciascia, tard venu à l'écriture, Andrea Camilleri, a su séduire le public européen avec son commissaire Montalbano qui évolue en Sicile, région natale de son créateur. Aujourd'hui, l'Italie compte des dizaines d'auteurs. Parmi les plus talentueux, citons Pino Cacucci (San Isidro football club), Carlo Lucarelli (Guernica), Augusto De Angelis (L'Hôtel des trois roses), Laura Grimaldi (Le Soupçon), Santo Piazzese (Le Souffle de l'avalanche), Andrea Pinketts (Le Sens de la formule), Franco Mimmi (Notre Agent en Judée), Margherita Oggero (La Collègue tatouée), Renato Olivieri (L'Affaire Kodra), Marcello Fois (Plutôt mourir), Sandrone Dazieri (Le Blues de Sandrone), Giorgio Todde (L'État des âmes), Piergiorgio di Cara (Île noire), Bruno Arpaia (Dernière Frontière), Nicoletta Vallorani (La Fiancée de Zorro), Nino Filasto (La Fiancée égyptienne), et le sénateur Giancarlo Carofiglio (Témoin involontaire)... Trois chefs-d'œuvre : Macaroni (1997) de Loriano Macchiavelli et Francesco Guccini, évoque l'immigration italienne en France et imbrique de façon parfaite énigme, suspense et constat social. L'Immense Obscurité de la mort (2004) de Massimo Carlotto, où un prisonnier qui a tué lors d'un braquage une femme et son fils, formule quinze ans plus tard un recours en grâce. Il sollicite le pardon du mari et père des victimes : en résulte un tragique face à face, à l'épilogue déroutant. Romanzocriminale (2002), de Giancarlo de Cataldo, juge à la cour d'assises de Rome, est la chronique magistrale du monde du crime à Rome de 1978 à 1992. Enfin signalons deux auteurs singuliers : Gilda Piersanti auteur de plusieurs polars romains (Vert palatino) habite Paris depuis trente ans. Cesare Battisti, ancien membre d'un groupe armé exilé en France puis au Brésil avant d’être extradé en 2019 en Italie, a signé une dizaine de romans noirs dans lesquels il dénonce la lutte armée qui se retourne toujours contre ses auteurs.
Espagne et Andorre
Peu avant la fin de la dictature franquiste, Jaume Fuster (1945-1998) publie Petit à petit l'oiseau fait son nid (1972), un roman noir qui illustre la liaison entre la bourgeoisie barcelonaise et la pègre des bas-fonds. Manuel Vazquez Montalbán (1939-2003), « le Chandler catalan », prend le relais pour relancer le genre avec Pepe Carvalho, son détective épicurien. Francisco Gonzalez Ledesma, après avoir publié plus de 500 pulps sous le pseudonyme de Silver Kane, passe au roman. Certains s'apparentent à une chronique des années de la dictature (Los Napoleones), d'autres appartiennent à la série consacrée à Ricardo Méndez, un commissaire de Barcelone, nostalgique et plein de compassion pour les faibles (La Dame de Cachemire). Si Juan Madrid (Cadeau de la maison) et Andreu Martin (Prothèse) s'impliquent à leurs débuts dans des récits âpres et violents, Arturo Pérez-Reverte préfère choisir une voie plus intellectuelle et ludique (Le Tableau du maître flamand).
Barcelone abrite de nombreux écrivains. Outre Fuster, Vazquez Montalbán, Gonzales Ledesma et Andreu Martín, dont les exploits du jeune détective Flanagan sont traduits dans toute l'Europe, on peut citer l'Argentin Raúl Argemí (Les morts perdent toujours leurs chaussures) qui traite de sujets politiques avec une folie baroque et un humour grinçant ; Eduardo Mendoza, ancien interprète à l'O.N.U., et son univers souvent burlesque (Le Labyrinthe aux olives) ; les féministes Alicia Gimenez Bartlett avec son désopilant tandem de policiers Petra Delicado et Fermín Garzon (Le Jour des chiens) et Maria Antonia Oliver (Antipodes), créatrice d'Apolonia Guiu, détective privée barcelonaise ; Xavier Moret qui met en scène un écrivain raté (Qui tient l'oseille tient le manche). Parmi les nouveaux venus, l’Argentin de Madrid, Carlos Salem, truffe ses romans d’humour et de situations burlesques comme l’histoire de ce tueur à gage dont le contrat se trouve dans un camp de nudistes (Nager sans se mouiller).
Signalons également l'œuvre importante de Mariano Sanchez Soler (Oasis pour l'O.A.S.), auteur de plusieurs romans noirs qui ont pour protagonistes les inspecteurs Pulido et Galeote, ainsi que d'essais divers sur le fascisme, la corruption et la famille Franco. Il a aussi fait connaître sa ville natale d'Alicante en y organisant plusieurs manifestations littéraires autour du roman noir.
Le Pays basque compte au moins trois auteurs de qualité : Juan Bas (Scorpions pressés, 2002 ; Vade retro Dimitri, 2012) ; Willy Uribe qui s’est fait connaître en France en 2012 avec Le Prix de mon père (2007), meilleur premier roman noir à la Semana de Gijon ; José Javier Abasolo (Nul n'est innocent). La violence qui parfois s'exprime dans cette province a inspiré à Juan Antonio de Blas, L'Arbre de Guernica, dans lequel son humour acide et son goût pour la dérision n'épargnent personne. Citons encore Juan Marsé (Boulevard du Guinardo), Lorenzo Silva (La Femme suspendue), Suso de Toro (Land Rover). La fin des années 2000 a vu l'émergence de nouveaux romanciers de qualité : Ignacio del Valle primé pour son roman Empereurs des ténèbres (2006), qui se déroule en hiver 1943, durant la Seconde Guerre mondiale, au cœur de la division Azul envoyée par Franco pour aider l'armée allemande durant le siège de Leningrad ; Victor del Arbol, primé pour La Tristesse du Samouraï, une fresque d'une grande sensibilité qui raconte L'Espagne de décembre 1941 jusqu'à la tentative de coup d'état de 1981 ; le poète barcelonais Carlos Zanon qui a réussi avec son premier roman (Soudain trop tard,2009) ; enfin, Jerónimo Trístante est l'auteur d'une série historique située à Madrid, en 1877, avec le détective Victor Ros. On note le nombre accru de romancières, une évolution positive en peu d'années, parmi lesquelles : Cristina Fallait, première femme à remporter le prix Hammett pour son roman Deux Petites Filles (2011) où une journaliste visite les bas-fonds de Barcelone pour tenter de retrouver une petite fille kidnappée ; journaliste, Noemi G. Sabugal a signé L'Assassinat de Socrate (2010). Mentionnons également Rosa Ribas, Matilde Asensi, auteur de thrillers historiques, et enfin Su sana Vallejo, qui signe LaClé du secret, et Dolores Redondo pour Le Gardien invisible, premier volume de la trilogie dite de Baztán, une rivière où on retrouve des femmes assassinées.
À noter que l'académicien Antonio Muñoz Molina qui n'a pas hésité à écrire Pleine Lune, un roman de genre parfaitement réussi.
Même la principauté d'Andorre est touchée par l'épidémie du « noir », avec Albert Salvado (Le Rapt, le mort et le marseillais) et Albert Villaro (Chasse à l'ombre).
L'Europe et au-delà
Le développement de la littérature policière est un mouvement inéluctable qui touche chaque pays car son lectorat est de plus en plus vaste. Mais les ouvrages disponibles en France ne reflètent qu'imparfaitement cette évolution, dans la mesure où la majeure partie des traductions provient de pays anglo-saxons. Signalons toutefois que le roman policier et/ou noir a atteint l'Albanie avec Virion Graçi (Le Paradis des fous), Fatos Kongoli (Tirana Blues) et le vétéran Ismaël Kadaré, auteur de Qui a ramené Doruntine ? et Le Dossier H. On trouve également des œuvres intéressantes en Bulgarie avec Emilia Dvorianova (Passion, ou la Mort d'Alissa), en Grèce avec Sèrgios Gàkas (La Piste de Salonique) et Petros Markaris (Le Che s'est suicidé), au Portugal avec José Cardoso Pires (Ballade de la plage aux chiens), Miguel Miranda, primé pour Quand les vautours approchent, et l'excellent Francisco José Viegas (Un ciel trop bleu). La Russie se signale avec la prolifique Alexandra Marinina (Ne gênez pas le bourreau), l’humoriste Andreï Kourkov avec Le Pingouin (1996) et Le Caméléon (2000), deux romans métaphoriques qui dénoncent corruption et magouilles. Paulina Dachkova (Les Pas légers de la folie), Julian Semionov (Petrovka 38), Arkadi et Gueorgui Vaïner (L'Évangile du bourreau), Andreï Rubanov (Ciel orange, 2008) et Natalia Alexandrova (Emmuré vivant, 2007). La révélation russe s'appelle Julia Latynina, journaliste économique, très critique sur le régime, elle a notamment publié entre 2005 et 2009 la trilogie du Caucase (Caucase circus ; Gangrène ; La gloire n'est plus de ce temps), très sombre et caustique.
De la Turquie, on connaît quatre romanciers : deux femmes, Esmahan Aykol (Meurtre à l'hôtel du Bosphore) et Mine Kirikkanat (La Malédiction de Constantin) ; et deux hommes, Mehmet Murat Somer (On a tué Bisou!), et Celil Oker, créateur d'un détective privé turc dont les six enquêtes restent inédites en France. Née en Iran, Naïra Nahapetian a quitté son pays natal après « la révolution » islamique. Aujourd'hui journaliste économique, elle a publié deux romans où son héros, Narek Djamshidj, décrypte pour les lecteurs ce que signifie vivre en Iran.
Signe des temps, en avril 2008, la Série noire a publié Les Fantômes de Breslau, du Polonais Marek Krajewski. Quatre autres titres (La Peste à Breslau ; Fin de monde à Breslau ; La Mort à Breslau ; Forteresse Breslau) complètent une série consacrée à Eberhart Mock, sergent-chef de la brigade des mœurs. L'action se situe au début de 1920 pour les trois premiers épisodes, à une époque où la ville était sous occupation allemande. Un autre romancier polonais, Zygmunt Miloszewski, est apparu. Dans Les Impliqués (2007), son deuxième roman, lors d'une séance de thérapie collective à Varsovie, un participant est retrouvé assassiné. L'enquête marquera le moment où s'affronteront la Varsovie contemporaine et les crimes du passé.
On note également l'apparition de romans policiers issus de pays comme l'Arabie saoudite, avec Raja Alem. Née à la Mecque en 1970, elle a reçu le prix international du roman arabe pour Le Collier de la colombe. En Égypte, Ahmed Khaled Towfik, médecin et universitaire, signe Utopia, qui donne une vision cauchemardesque de son pays. En Israël, Matt Rees, journaliste à Jérusalem, initie les enquêtes d’Omar Youssef, détective à son corps défendant, tandis que Igal Shamir conte les exploits de Gal Knobel, violoniste et espion israélien (Via Vaticana ; Le Violon d'Hitler), et qu’un agent secret est le protagoniste du deuxième roman de Yishaï Sarid (Le Poète de Gaza).
Amérique du Sud
En Amérique latine aussi, le roman noir se porte bien, au Mexique notamment avec Paco Ignacio Taibo II (À quatre mains), Juan Hernández Luna (Naufrage), Sergio González Rodríguez (Des os dans le désert), Eduardo Monteverde (Alvaro dans ses brumes), Joaquín Guerrero-Casasola, lauréat du prix 2007 de L'H Confidencial (bibliothèque policière de Barcelone) avec Ley Garrote, histoire d'un privé mexicain à la recherche d'une fille de bonne famille kidnappée. N'oublions pas Guillermo Arriaga, scénariste de plusieurs films remarquables (Amours chiennes ; 21 grammes ; Trois Enterrements) et auteur entre autres de L'Escadron guillotine (1994) et Le Bison de la nuit (2000).
Le roman noir a également suscité des œuvres passionnantes à Cuba avec Daniel Chavarria (Un thé en Amazonie), Justo Vasco (1943-2006 ; L'Œil aux aguets), Lorenzo Lunar (La Boue et la mort), Amir Valle (Jineteras), José Latour (Nos Amis de La Havane) et surtout Leonardo Padura Fuentes (Les Brumes du passé), au Brésil avec Rubem Fonseca (Du grand art), Aguinaldo Silva (L'Homme qui acheta Rio) et Patricia Melo (O Matador), au Chili avec Luis Sepúlveda (Un nom de torero), Ramon Díaz Eterovic (La mort se lève tôt) et Roberto Ampuero (Le Rêveur de l'Atacama), en Colombie avec Santiago Gamboa (Les Captifs du lys blanc) et plus encore en Argentine où, après Osvaldo Soriano (Je ne vous dis pas adieu), sont apparus Rolo Diez (Le Pas du tigre), Enrique Medina (Les Chiens de la nuit), Juan Sasturain (Manuel des perdants), Sergio Sinay (Le Tango du mal aimé), Mempo Giardinelli (Les morts sont seuls), Juan Jose Saer (L'Enquête). Outre sa diversité, la caractéristique de cette mouvance est d'avoir renouvelé le genre en lui faisant subir un traitement original dans chaque pays. Pour faire toucher du doigt les réalités sociales sud-américaines, tous ces merveilleux conteurs usent de la critique avec humour et dérision. Chacun a son style et pratique des constructions savantes. Certains se livrent au métissage et empruntent à d'autres types de récits (aventure, espionnage, politique-fiction, etc.). Bref, partout imagination et fantaisie règnent en maître. Ce courant n'a pas fini de surprendre le lecteur.
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Écrit par
- Claude MESPLÈDE : écrivain, historien de la littérature policière
- Jean TULARD : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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