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POLICIER ROMAN

Le criminel

En 1892, la France est touchée par une vague d'attentats anarchistes. Un an plus tard, Vaillant jette une bombe dans la salle des séances de la Chambre des députés. Des noms deviennent familiers au public : Ravachol, Bonnot et sa sinistre bande... Une nouvelle peur saisit les possédants. Dans Le Matin daté du 7 décembre 1909, Léon Sazie (1862-1939) crée Zigomar, l'un des premiers rois du crime de papier. Revêtu d'une cagoule rouge, il dirige en zozotant le gang des Z (« za la vie, za la mort ») avec lequel il affronte l'inspecteur Paulin Broquet. Parfaite incarnation du mal, il précède le célèbre Fantômas (1911) que l'on présente ainsi :

« Allongeant son ombre immense/

Sur le monde et sur Paris,

Quel est ce spectre aux yeux gris

Qui surgit dans le silence ?

Fantômas, serait-ce toi ?

Qui te dresses sur les toits ? »

Qui est Fantômas ? « Rien et tout », « Personne mais cependant quelqu'un », « Enfin, que fait-il ce quelqu'un ? Il fait peur. »

Ainsi est présenté par ses auteurs, Pierre Souvestre (1874-1914) et Marcel Allain (1885-1969), celui qui se définit comme « le maître de tout ». Fantômas est le génie du mal. Et lorsqu'il disparaît en mer, dans La Fin de Fantômas en 1913, la France pousse un soupir de soulagement. Pas pour longtemps... Car, outre Sazie qui narre les exploits criminels de Zigomar jusqu'en 1924, Arthur Bernède (1871-1937) imagine Belphégor, le fantôme du Louvre, et Gaston Leroux crée Chéri-Bibi, le féroce bagnard marqué par le destin (« Fatalitas ! », dit-il en toute occasion), descendant indirect du Rocambole de Ponson du Terrail.

Mais on découvre vite que, par son caractère individualiste, l'anarchiste ne met guère en péril la société. Du coup, il paraît même sympathique et l'intérêt des auteurs de roman policier va souvent se déplacer du justicier vers le criminel. Beau-frère de Conan Doyle, E. W. Hornung (1866-1921) ouvre la voie en lançant dans le Cassell's Magazine de juin 1898, l'anti-Holmes, le gentleman-cambrioleur A. J. Raffles, qui aura pour disciples le Loup solitaire de Louis J. Vance (1879-1933), Simon Templar dit le Saint, de Leslie Charteris (1907-1993), le Baron, un aventurier créé en 1937 par John Creasey (1908-1973).

Inspiré par l'anarchiste Marius Jacob qui ne tuait pas mais volait les riches pour le plus grand profit des organisations libertaires, voici que paraît en 1905, dans Je sais tout, le personnage d'Arsène Lupin, qui deviendra bientôt aussi populaire que d'Artagnan. L'éditeur Lafitte réussit à convaincre Maurice Leblanc (1864-1941) de donner une suite aux aventures de ce sympathique cambrioleur que frac et monocle transforment en homme du monde accompli sur les couvertures des fascicules dessinées par Léo Fontan. Le personnage de Lupin défie la société mais sans les démonstrations sanglantes de Fantômas ou le côté mal élevé des Pieds Nickelés. Il aura en conséquence de nombreux imitateurs : Edgar Pipe d'Arnould Galopin ; Samson Clairval de Francis Didelot ; le Pouce, l'Index et le Majeur de Jean Le Hallier ; et quelques décennies plus tard, en 1957, Terence Lane surnommé L'Ombre, d'Alain Page.

Ce n'est plus le chasseur mais le gibier qui va compter dans un type de roman « criminel » où l'énigme s'efface devant « la traque » et les efforts de l'assassin pour s'échapper. À cet égard, Francis Iles (alias Anthony Berkeley Cox) ouvre la voie avec Préméditation (1931), histoire d'un médecin assassin, et Complicité (1932) ou l'assassin vu par sa victime. Le procédé débouche sur le suspense où vont exceller des auteurs aussi différents que William Irish (Lady Fantôme, 1942 ; La Sirène du Mississippi, 1947 ; J'ai épousé une ombre, 1948), Boileau et Narcejac (Celle qui n'était plus, 1952) ou[...]

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Edgar Allan Poe - crédits : C.T. Talman/ Library of Congress, Washington, D.C.

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Gilbert Keith Chesterton - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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