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ROMAN POPULAIRE

Le déclin du genre

Le roman populaire a atteint son apogée en 1914. Au sortir de la Première Guerre mondiale, tous les archétypes seront en place et, du coup, les chefs-d'œuvre se feront plus rares, les auteurs se contentant d'appliquer des recettes éprouvées (on constate, par exemple, un hiatus entre les trente-deux volumes du cycle de Fantômas parus avant 1914 et ceux qui ont suivi). Le genre continue à connaître de gros tirages, de Delly à Guy des Cars. En 1980 encore, la collection Harlequin, qui vient concurrencer les séries de Tallandier, fait un chiffre d'affaires considérable. Mais d'autres formes de romanesque incitent au rêve.

Le développement de la photographie introduit un élément nouveau : le roman-photo, dont l'essor en Italie sera considérable, et que vont parodier Fellini (Le Cheikh blanc), Risi (Fais-moi mal et couvre-moi de baisers) ou Monicelli. Le récit se développe sous forme de photographies, les paroles des personnages figurant dans des bulles (fumetti) qui sortent de la bouche des héros de l'histoire. La part du rêve se trouve ainsi réduite par rapport à l'imprimé, mais l'effort est moindre pour un public vraiment populaire.

La bande dessinée offre les mêmes avantages, avec plus de souplesse. Les Pieds-Nickelés surpassent Arsène Lupin ; Mandrake et le Fantôme du Bengale éclipsent Lavarède et Sans-le-Sou, Nick Carter et Rouletabille.

La littérature sportive, à travers journaux (L'Auto, puis L'Équipe) et ouvrages divers offre au public d'autres occasions de s'exalter ou de frémir. Les auteurs reprennent le vocabulaire du roman populaire (champion du monde cycliste en 1938, Kint est baptisé « l'Aigle noir »).

Mais c'est le cinéma qui porte le coup fatal au roman populaire. D'emblée, il s'empare de ses héros : Fantômas est tourné par Feuillade, Zigomar par Jasset, Belphégor par Desfontaines, plus tard Arsène Lupin par Conway. Désormais, Fantômas est incarné par René Navarre puis par Marcel Herrand ; Arsène Lupin se confondra, le temps d'un film, avec Jules Berry. Le roman historique est balayé par les « grosses machines » italiennes de Gallone (Scipion l'Africain), de Blasetti (La Couronne de fer, Fabiola) ; c'est le mélodrame hollywoodien (de Niblo et Ingram, Vidor et King, à Love Story et De l'autre côté de minuit) qui fait maintenant pleurer, tandis que font rêver un public de masse les films d'aventures pseudo-exotiques de la série B – Cornel Wilde et Harold Schuster, Foster et Sherman, Tarzan enfin, « mythe humilié » (Lacassin) de Van Dyke à Newman. Que pèsent les crimes imprimés de Fantômas face à la violence qui éclabousse l'écran dans les œuvres de Powell (Le Voyeur), de Brian de Palma (Phantom of Paradise), de Fuest (Docteur Phibes), de Paul Bartel (La Course à la mort, an 2000) ou de W. Hill (The Warriors) ? Rappelons également la part du rêve à l'écran, de Méliès au personnage de Walter Mitty, en passant par La Vie en rose de Jean Faurez avec Louis Salou. Une façon de se moquer du romanesque.

Enfin, le feuilleton radiodiffusé ou surtout télévisé a porté un ultime coup au roman populaire. Émissions des Kubnick, Beauvais, Michel Méry ou Jacques Provins, ou feuilletons inspirés des Compagnons de Baal, Belphégor ou Rocambole connaissent très tôt une énorme audience. Non que le roman populaire ait totalement disparu, même si c'est un public féminin – et pas forcément populaire – qui fait un triomphe à Angélique marquise des Anges, digne héritière de Caroline Chérie, tandis que S.A.S., dans sa lutte contre les totalitarismes de l'Est et du Tiers Monde, connaît de fabuleux tirages auprès d'un public masculin. Certes, Golon n'est pas Chardonne, ni Gérard de Villiers Abellio, mais ils sont les derniers défenseurs du texte imprimé devant l'offensive de l'audio-visuel. Alain Delon ou Maurice Ronet[...]

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  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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