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ROMANCERO, Heinrich Heine Fiche de lecture

Perversion du modèle hégélien

Les trois sections du Romancero – les « Histoires », les « Lamentations » et les « Mélodies hébraïques » – travaillent une structure ternaire que l'on peut déchiffrer comme étant celle de la philosophie hégélienne. Après l'échec de la révolution de 1848, l'« hégélianisme de gauche », dont Heine avait été le représentant littéraire le plus crédible, se réduit dans le Romancero à une dialectique qui ne fonctionne plus. Le poème « Symbolique du non-sens », initialement prévu pour figurer dans ce recueil, donne la clé d'une parodie qui porte le chaos dans les moments hégéliens de la philosophie de l'histoire et de la religion. L'histoire n'est plus qu'un champ de bataille parsemé de cadavres et la présence insistante de figures de fantômes, dans le Romancero, signale le constat désabusé d'une perpétuation des despotismes : « Qu'elles brillent, aux Tuileries,/ Les gaies fenêtres à miroir !/ Et cependant même en plein jour/ Les vieux fantômes s'y promènent » (« Marie-Antoinette »).

La décomposition des grandes épopées de la philosophie de l'histoire coïncide avec le désenchantement de l'art à l'ère industrielle. On a souvent mis l'accent sur la section centrale du recueil, celle des « Lamentations », et voulu voir dans le Romancero le repli de Heine sur une subjectivité douloureuse, en un temps où la maladie et la paralysie l'avaient déjà condamné à s'immobiliser dans son « lit-tombeau ». Il est sans doute plus juste d'observer qu'en attribuant à toutes les figures de poètes du recueil – le persan Firdusi, Apollon, Geoffroy Rudel, le poète médiéval Yehuda ben Halevy et lui-même – un statut de dominé analogue à celui du peuple juif, Heine prônait le recours à un modèle poétique qui pouvait être considéré comme l'antithèse de la tradition nationale germanique et chrétienne : la poésie méridionale d'une Espagne médiévale à la fois arabe, juive et chrétienne, ou encore l'insaisissable poésie yiddish du Dieu Apollon. Il y avait là aussi une réponse possible à une perte de substance de la littérature qu'il mit en scène avec une lucidité exacerbée.

— Isabelle KALINOWSKI

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Heinrich Heine - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Heinrich Heine

Autres références

  • HEINE HEINRICH (1797-1856)

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    • 2 689 mots
    • 1 média
    Le dernier de ses grands recueils poétiques, le Romanzero a été publié en 1851. Il est le plus riche et il contient ses pièces les plus émouvantes, en particulier ses méditations sur la maladie, la mort, le dieu des Hébreux et le destin des âmes.