ROMANCERO
Essai de classification
L'histoire du romancero peut être étudiée soit dans son développement temporel, soit d'un point de vue thématique, soit encore selon les différentes couches sociales qui produisent – et consomment – les romances. De toute manière, il est possible de considérer quatre grandes catégories : le romancero viejo (des origines à la fin du xvie s.), le romancero nuevo (d'environ 1580 au milieu du siècle suivant), le romancero moderno (des romantiques à nos jours) et le romancero tradicional, qui se définit en fonction de certains caractères des catégories précédentes.
Romancero viejo
Fréquemment employé dès le xiiie siècle, il faut attendre la seconde moitié du xve siècle pour que le terme romance recouvre son sens actuel. C'est précisément à cette époque que remontent les romances les plus anciens que l'on possède. D'illustres chercheurs ont déployé des trésors d'ingéniosité afin de faire reculer cette date, mais sans succès. S. Griswold Morley a dressé la liste des premiers textes conservés : il en compte dix-sept, entre 1421 et 1508. Ces pièces ouvrent la période dite du romancero viejo, et ces romances sont, d'après Menéndez y Pelayo, d'abord « ceux dont l'existence au xve siècle appert de façon positive », suivis des écrits identiques imprimés dans la première moitié du siècle suivant, surtout dans le Cancionero general de 1511, dans le Cancionero de romances édité à Anvers (s.d. et 1550), dans les différentes éditions de la Silva, ainsi que dans les nombreux pliegos sueltos (éditions populaires à un seul pli ou cahier) de cette époque. Leur contenu, tel qu'il a été classé par F. J. Wolf, est soit historique (histoire et traditions d'Espagne ; épisodes de la guerre de frontières contre les Maures ; histoire particulière des différents royaumes : Navarre, Aragon, Naples, Portugal), soit romanesque et chevaleresque. Milá y Fontanals et Menéndez y Pelayo ont perfectionné ce classement et ordonné les romances en cinq cycles :
– le cycle historique (Rodrigue et la ruine de l'Espagne ; Bernado del Carpio, l'anti-Roland ; Fernán González, créateur de Castille ; les Infants de Lara, aux aventures si tragiques ; le Cid ; le roi Pierre le Cruel ; les romances de frontière ou fronterizos) ;
– les romances carolingiens ;
– les romances du cycle breton ;
– des histoires romanesques variées ;
– enfin, des romances lyriques.
Bien que non dénué d'intérêt, ce classement place en fin de liste les romances lyriques qui sont, avec les récits romanesques, ceux qui ont été attestés en premier. De plus, cette « matière historique » ne l'est que relativement : elle met en tête de l'histoire d'Espagne les romances sur le roi Rodrigue, alors que, même si la légende ici rapportée semble remonter au xie siècle, les poèmes s'inspirent de la Crónica sarracina de Pedro del Corral, composée vers le milieu du xve siècle. Qu'ils soient lyriques, fronterizos ou historiques, ces textes sont tous anonymes : quelques-uns supporteraient sans invraisemblance d'être attribués à des poètes du xve siècle, Rodríguez del Padrón par exemple ; mais, mis à part quelques compositions de souche courtisane marquées par l'emploi presque exclusif de la rime parfaite au lieu de l'assonance, la contribution des poètes lettrés se borne en général à des gloses, qui prennent successivement un ou deux vers d'un romance connu, comme aboutissement obligé de chacune des strophes dont elles se composent. On rencontre aussi des ensaladas (mélanges) de vers empruntés à des romances différents, le plus souvent assemblés de façon burlesque. La faveur des romances viejos se manifeste également dans le fait que des compositeurs les mettent en musique (pour voix seules, pour chant et vihuela) ou se servent[...]
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Écrit par
- Daniel DEVOTO : docteur ès lettres, universités de Buenos Aires et de Paris-Sorbonne, directeur de recherche au C.N.R.S.
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