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CHEVALERIE EN ESPAGNE ROMANS DE

L'« Amadis » primitif

Tout ce qui concerne l'origine de ce grand roman reste bien mystérieux. On ne sait ni le nom de son auteur ni dans quelle langue il fut d'abord écrit. Espagnols, Portugais et Français se sont disputé cette gloire depuis plusieurs siècles et l'on a même évoqué une possible origine anglaise. La première mention connue d'un Amadis (composé d'un ou deux livres) a été faite par un Espagnol entre 1345 et 1350. Au xive siècle, le nom d'Amadis apparaît, en Espagne, en compagnie de ceux de Lancelot et de Tristan. Un des plus vieux poètes parmi les chansonniers, Pedro Ferruz, fait allusion à l'existence du roman.

Quant à la théorie d'une possible origine française, elle ne repose guère que sur la déclaration d' Herberay des Essarts, qui traduisit pour François Ier, en 1540, les huit livres d'Amadis : Herberay des Essarts dit avoir vu lui-même un Amadis médiéval écrit en dialecte picard. Plus controversée a été la théorie de l'origine portugaise du roman et les arguments avancés peuvent sembler plus sérieux. Dans le chansonnier Colocci-Brancutti apparaissent deux pièces du poète João de Lobeira, poète de la cour de Don Dinis, qui répètent le refrain de la chanson « Leonoreta fin roseta », chantée au livre II de l'Amadis. Dans la chronique du comte Don Pedro de Meneses (1458-1463), Gomes Eanes de Zurara attribue le roman à Vasco de Lobeira, de l'époque de Fernando Ier et cette attribution est reprise par João de Barros, en 1549. Le texte de l'édition de 1508 (Saragosse) confirme que l'infant Don Afonso de Portugal intervint dans la refonte de l'épisode de Briolanja, jeune princesse dépossédée par un méchant oncle, sauvée par Amadis, et qui tombe éperdument amoureuse de son sauveur. La première version montrait sans doute un Amadis fidèle à Oriane et résistant aux séductions de Briolanja. Mais l'infant portugais, prenant en pitié la jeune princesse, demanda que l'épisode fût remanié : prisonnier de Briolanja, Amadis succombe. Une troisième version, d'ailleurs, conserve cette chute, mais excusée par l'ordre d'Oriane qui craint pour la vie de son bien-aimé (Montalvo, au xvie siècle, dit avoir connu plusieurs versions, mais refuse de s'y attarder, montrant un héros en tout point fidèle).

Or, comme le faisait remarquer Menéndez Pelayo, comment imaginer que l'auteur primitif de l'Amadis, le créateur de ce symbole de pureté et de fidélité, ait pu se contredire pour obéir aux caprices d'un prince ? Comment cet Amadis, infidèle, même pour les meilleures raisons du monde, aurait-il pu passer sous l'arc des Loyaux Amants, épisode clé de tout l'ouvrage ? L'ordre princier ne put donc s'adresser qu'à un remanieur, et cette interpolation ne peut constituer un argument sérieux en faveur d'une origine portugaise.

Edwin B. Place, éditeur de l'Amadis, tout en reconnaissant (« The Amadís Question », in Speculum, no 25, 1950) qu'on ne saurait apporter de solution satisfaisante à ce problème, propose cette hypothèse : les deux premiers livres de l'Amadis auraient été composés par quelque auteur professionnel pour Alfonso XI, grand protecteur de la chevalerie. Cet auteur ne serait pas castillan, mais domicilié en Castille, et aurait longuement séjourné dans les régions frontalières de Galice ou du royaume de León et des Asturies. Un troisième livre aurait été ajouté, peut-être avant 1379. En tout cas, l'unique vestige des versions manuscrites conservé de nos jours consiste en quelques fragments écrits dans un dialecte espagnol occidental et qui proviennent du livre III.

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Écrit par

  • : maître assistant, agrégée à l'université de Paris-X-Nanterre

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<it>Don Quichotte et Sancho Pança</it>, A. Decamps - crédits :  Bridgeman Images

Don Quichotte et Sancho Pança, A. Decamps

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