ROMANTISME
Le vaste mouvement de sensibilité et d'idées appelé « romantisme » a embrassé tant de domaines divers (histoire, politique, réforme sociale, philosophie, littérature, musique et arts plastiques) qu'il dépasse tous les efforts de synthèse entrepris pour le saisir dans sa totalité. La variété des romantismes nationaux en divers pays d'Europe recouvre néanmoins quelque unité profonde. Le préromantisme est considéré ici comme partie intégrante de ce puissant ébranlement européen. La courbe sinueuse du développement du romantisme, en France en particulier, est tracée en comparaison, souvent en opposition, avec d'autres mouvements voisins, moins limités soit par l'histoire, alors fort agitée en France, soit par le poids des traditions classiques. La présentation du romantisme offerte ici envisage, par-dessus les talents ou les génies individuels, l'élan donné alors à l'histoire, à la philosophie, et surtout l'élargissement de l'homme. Plongeant alors plus avant dans le passé de la race ou dans son subconscient, il s'élance aussi plus hardiment vers le spirituel en lui, ou vers un avenir qu'il annonce et veut recréer.
Littérature
La problématique romantique
Le mot
L'adjectif « romantique », qui apparut le premier dans plusieurs langues de l'Europe (romantic, romantisch, romántico), et le substantif qui en fut tiré sont mal choisis et obscurs. Mais il en est de même pour « baroque », « classique », « réaliste », « symboliste » et pour presque tous les termes qui désignent une période ou un mouvement en littérature et en art ; et les adjectifs qui, dans certains pays, rattachent les productions intellectuelles au nom d'un souverain (« élisabéthain », « victorien » ou « édouardien ») les trahissent plus encore. L'adjectif, tiré du bas latin romanticus, apparaît timidement à la fin du xviie siècle. Il eut quelque peine à se distinguer en français d'un autre adjectif « romanesque », de l'italien romanzesco. L'origine est dans le mot « roman », issu lui-même de romano ou « romain », et qui primitivement s'appliquait à un récit d'un genre nouveau (novel, en anglais) écrit non en latin, mais en langue vulgaire ou « romane » et non soumis à des règles. La langue anglaise employa l'adjectif, tiré du français « romaunt » emprunté au xvie siècle, en 1659 (Journald'Evelyn) et en 1666 (Journalde Pepys). On l'associa vite, en cette époque où le raisonnable et le rationnel plaisaient en littérature, à quelque chose d'étrange, de fantaisiste, de faux. Une centaine d'années plus tard, le goût ayant changé, l'adjectif, d'abord en anglais et en allemand, devint un terme d'éloge. Il désignait le pittoresque dans un paysage (Rousseau l'emploie en ce sens dans sa célèbre cinquième Rêverie d'un promeneur solitaire) ou « une naïveté spirituelle et piquante » dans la musique du compositeur Grétry en 1784. Pierre Letourneur, dans la préface à sa traduction de Shakespeare commencée en 1776, s'efforce de différencier « romantique » et « romanesque », pour recommander de lire Shakespeare dans « le paysage aérien et romantique des nuages ».
C'est en Allemagne tout d'abord que l'adjectif revêtit son sens en littérature, avec les poésies de L. Tieck (1800), Romantische Dichtungen, la tragédie de Schiller sur La Pucelle d'Orléans, qualifiée de eine romantische Tragödie. Goethe opposa le terme à « classique », et A. W. von Schlegel fit de même à propos de la Phèdre d'Euripide préférée à celle de Racine (1807). Mme de Staël assimila dans De l'Allemagne(1810) la poésie romantique à celle « qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques » et elle compliqua les choses avec sa fameuse distinction entre[...]
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Écrit par
- Henri PEYRE : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université Yale, Connecticut, États-Unis
- Henri ZERNER : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard
Classification
Médias
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