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ROME ET EMPIRE ROMAIN L'art romain

L'art « antiphysique »

Nous avons vu que jusqu'à la fin du iie siècle, la production artistique romaine a été dominée tour à tour par trois courants rivaux, qui tous trois sont nés à l'époque hellénistique : le courant classique, héritier de l'art attique par l'intermédiaire des écoles augustéennes ; le courant baroque, inspiré lointainement par Scopas, et plus directement par les écoles pergaménienne et rhodienne ; enfin le courant « plébéien » dérivé de l'art médio-italique et enrichi par le contact avec des ateliers provinciaux où survivaient des traditions des peuples « barbares ». Tous trois, même le dernier, acceptent les règles fondamentales de l'art défini en Grèce au ve siècle comme une imitation de la nature, comprise, dominée et organisée par un homme idéal (homo additus naturae).

Il est pourtant évident, dès le départ, que cette formulation de la création esthétique n'est pas complètement comprise par un grand nombre des hommes qui constituent la communauté romaine, et que, bien qu'ils ne la mettent pas expressément en cause, elle ne leur donne pas vraiment satisfaction. Si les deux premiers courants peuvent être considérés comme correspondant aux deux attitudes fondamentales de l'âme grecque (attitude « apollinienne » et attitude « dionysiaque »), le troisième représente la réaction de ceux qui ne sont pas vraiment conquis par l'hellénisme, bien qu'ils l'admettent et se soumettent à ses lois. Constitué d'abord par la masse la moins évoluée du peuple romain, il se renforce ensuite de la grande partie des provinciaux d'Occident, dont la culture est constituée par leurs traditions nationales et par l'apport latin, et d'un bon nombre d'Orientaux qui ont rejeté la colonisation spirituelle hellénique. Ce courant, extrêmement étendu géographiquement et très varié ethniquement, trouve pourtant des modes d'expression étonnamment semblables entre eux.

Les œuvres issues de ce courant témoignent d'abord d'une indifférence absolue à l'expression spatiale que l'hellénisme s'était donné tant de mal à élaborer scientifiquement. Comme dans les dessins d'enfant, les personnages et les éléments du décor sont distribués en fonction du rôle qu'ils jouent et de l'effet à produire sur le spectateur. Lorsqu'on représente plusieurs personnages, qu'il s'agisse de dieux ou d'hommes, le plus important est généralement au centre de la composition, immobile et tourné vers le spectateur qu'il regarde fixement ; les autres sont rangés symétriquement autour de lui, soit tournés vers le spectateur, soit convergeant vers l'acteur principal. Les accessoires – attributs de puissance, armes, vêtements, bijoux –, lorsqu'ils contribuent à la signification de la scène, sont traités avec un soin extrême ; on n'hésite pas à les agrandir, à les mettre en évidence, alors que dans la réalité ils seraient à peine visibles ou pas du tout. Souvent la taille relative des personnages varie en fonction de leur importance : un dieu, un empereur seront figurés comme des géants.

On a longtemps expliqué ces œuvres, qui faisaient horreur aux archéologues du xixe siècle, par la seule maladresse des artisans. Plus tard – entre les deux guerres mondiales – on y a vu l'expression d'un courant artistique qui aurait pris naissance en Orient et se serait répandu dans tout l'Empire. Les fouilles de la ville de Doura-Europos, place frontière entre la Syrie romaine et la Mésopotamie, qui fut détruite par les Perses en 256, ont contribué à accréditer cette idée : on a trouvé là en effet des fresques aux figures frontales, « flottant » dans un champ neutre, sans aucune indication de rapports spatiaux. Certains historiens de l'art avaient même supposé que les principes anticlassiques[...]

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Thermes de la villa de Piazza Armerina - crédits : Index/  Bridgeman Images

Thermes de la villa de Piazza Armerina

Barbare combattant un légionnaire romain - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Barbare combattant un légionnaire romain

Tablette d'or de Pyrgi - crédits :  Bridgeman Images

Tablette d'or de Pyrgi

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  • CIVILISATION ROMAINE (notions de base)

    • Écrit par
    • 4 292 mots
    • 18 médias

    Le destin de Rome est celui d’une obscure bourgade de la péninsule italienne devenue, en l’espace de quatre siècles, une mégapole, capitale d’un immense empire s’étendant de l’Écosse à l’Arabie, des confins sahariens aux rives du Danube. Ce processus historique s’accompagna de la disparition de la ...