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ROME ET EMPIRE ROMAIN La religion romaine

Genèse de la religion romaine

Cette religion, devenue essentiellement politique à la fin de la République, a connu, depuis les origines de Rome, une évolution constante, dont certains facteurs (action des pontifes, sous la dépendance des autorités politiques, auxquelles ils appartiennent eux-mêmes, rôle des décemvirs et des Livres sibyllins) nous sont saisissables. Mais l'obscurité est souvent très grande en ce qui concerne l'état le plus ancien.

Rome s'est développée dans un monde complexe, où figuraient des éléments indo-européens, des éléments illyriens, un ferment étrusque, qui longtemps servit d'intermédiaire entre l'Orient asiatique et hellénique et le monde italique, enfin, de très bonne heure aussi, des éléments helléniques, issus des colonies grecques du Sud. Il est malaisé de déceler ce qui, dans les institutions et les croyances, vient de telle ou telle source. Selon les écoles, les historiens modernes sont enclins à insister sur telle d'entre elles, aux dépens des autres. G. Dumézil, dans une série d'ouvrages, s'efforce de montrer l'étendue de l'héritage indo-européen et son caractère fondamental dans la religion archaïque. Tout, dit-il, s'organise autour des trois fonctions essentielles caractéristiques de la société aryenne : la royauté magique, la fonction militaire, les fonctions de fécondité. À ces trois fonctions répondent trois dieux, effectivement groupés en triade à un certain moment de la religion romaine : Jupiter, Mars, Quirinus. Pourtant, les trois divinités que l'on trouve sur le Capitole, dans le temple le plus saint de la Ville, sont Jupiter, Junon et Minerve. Ce seul fait montre le décalage existant entre la réalité constatable et l'état « plus ancien » reconstitué. Les villes italiques semblent avoir mieux conservé la vieille triade ; elles ont été moins traversées que Rome d'influences diverses et la religion y a été moins travaillée par les forces politiques. Mais, si le détail du tableau est trop souvent brouillé, les travaux de Dumézil ont le mérite d'exorciser une notion introduite par les historiens récents, sous l'influence des anthropologues, celle de « mana », qu'ils retrouvaient dans le terme de numen (puissance). La religion romaine n'a sûrement pas évolué à partir d'un animisme primitif et vague pour aboutir, sous l'action de l'hellénisme, à un polythéisme de divinités personnelles. Dès l'origine existait une pensée théologique, organisatrice, au moins pour les rites, et connaissant des divinités comme personnes ; le numen est la volonté de ces divinités. Et c'est cette volonté que considère le rite, sur laquelle il veut agir. L'un des caractères les plus originaux de la pensée religieuse romaine est sa faculté de créer des dieux en partant d'abstractions – ou de ce qu'on tient aujourd'hui pour telles. En réalité le Romain considérait que des forces comme Concordia, Honos, Salus étaient trop puissantes pour que l'on ne soupçonnât pas qu'elles résultaient d'une intervention divine (Cicéron : De la nature des dieux, De natura deorum, II, 61) : c'était une manière de reconnaître « un dieu inconnu ». Le panthéon romain est éminemment plastique ; il fait très grande la part de l'inconnaissable, mais ne néglige aucune occasion de prendre possession de tous les lambeaux de divin qui lui apparaissent.

Cette volonté, un des aspects de la « piété » romaine ( pietas), explique comment ce peuple traditionaliste a pu admettre dans sa religion un si grand nombre d'innovations et comment celle-ci a pu revêtir un caractère aussi visiblement composite. Si les pénates sont des divinités probablement italiques, les lares, leurs compagnons dans la maison, sont certainement étrusques, mais certaines monnaies, pour[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres

Classification

Autres références

  • CIVILISATION ROMAINE (notions de base)

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    • 4 292 mots
    • 18 médias

    Le destin de Rome est celui d’une obscure bourgade de la péninsule italienne devenue, en l’espace de quatre siècles, une mégapole, capitale d’un immense empire s’étendant de l’Écosse à l’Arabie, des confins sahariens aux rives du Danube. Ce processus historique s’accompagna de la disparition de la ...