HAZOUMÉ ROMUALD (1962- )
Romuald Hazoumé est né en 1962 à Porto-Novo (République du Bénin) dans une famille catholique d'origine yoruba qui a su rester en contact avec le culte des ancêtres, tel qu'il s'incarne dans le vaudou. Élève brillant il refuse de repasser son baccalauréat après que sa feuille d'examen a été égarée et il se tourne vers le sport de haut niveau, mais un accident l'oblige à renoncer à cette activité. Hazoumé qui dessinait depuis l'enfance se consacre alors totalement à la peinture et à la sculpture. Au milieu des années 1980, il est devenu une personnalité très en vue à Cotonou et à Porto-Novo. Ses premières sculptures, réalisées à partir de bidons en plastique qu'il transforme en masques étranges, lui valent le surnom d'« artiste-bidon » (exposition Masques Bidons I au Centre culturel français de Cotonou en 1989).
En Afrique, le masque est le garant du bon déroulement de la création et pour un artiste africain fabriquer des masques n'est pas un acte gratuit. Mais depuis les années 1990, des brèches se sont ouvertes dans le monde de l'art occidental et dans sa réception des productions artistiques des autres cultures. Romuald Hazoumé a donc une double appartenance culturelle et les masques qu'il crée expriment ce conflit : il ne les fabrique ni en bois ni en cuir ou en tissu à la manière des Yoruba mais à partir de matériaux de récupération.
Hazoumé, quand il parle de ses masques, dit qu'il les voit « sortir ». « Sortir » les masques, explique l'anthropologue malien Youssouf Tata Cissé, signifie « réitérer toutes les étapes de la création ». Un des masques qui occupe une place importante dans un rite bambara est le masque « Tourbillon », figure du tourbillon primordial qui a présidé à l'apparition de la vie et a inspiré Hazoumé qui puise dans le vocabulaire des initiés. Les masques qu'il fabrique sortent d'un aspirateur, d'une paire de ski, d'un téléphone, d'un fer à repasser, de bidons variés... de son imagination. Hazoumé « sait d'où il vient » : « Enfant, j'ai fabriqué beaucoup de masques, bricolés à partir de matériaux de récupération, destinés au kaleta qui est une sorte d'école primaire d'apprentissage du masque et des traditions par le jeu. » Cependant son extraordinaire liberté, prise en dépit des règles ancestrales qui « pensaient pour lui », confère à son travail une pensée toute personnelle. Ses assemblages de matériaux de rebuts et d'objets désuets, qu'il utilise tels quels ou qu'il reforme ou déforme, sont des représentations de sa vision de la société, à travers des faits divers ou des problèmes à l'échelle de la planète. Ses masques pourraient être une réinterprétation moderne des phénomènes de transes dans les sociétés africaines traditionnelles car ils révèlent sans fausse pudeur les délires de l'actualité mondiale.
Au contraire des masques traditionnels dont les porteurs peuvent perdre toute individualité, les masques d'Hazoumé sont l'exacte personnalité du porteur qu'ils figurent. Si « Mon Général », « L'Inspirateur », « Walkman » ou « Bagdad City » nous amusent ou nous effrayent, c'est qu'ils nous renvoient à ce que nous sommes.
Depuis 1993, Romuald Hazoumé est entré dans une nouvelle phase de son œuvre qui ressemble à une destinée à laquelle il ne pouvait se soustraire, l'interprétation plastique du Fa. Le Fa (ou Ifa) chez les Fon, les Goun et les Yoruba est l'oracle qui préside à la divination. L'interprétation du Fa exige une longue et rigoureuse initiation transmise de père en fils. Le Fa peut être comparé à une cosmogonie, à une Bible ou à un Coran que l'on n'aurait jamais écrit. Pour Hazoumé, le Fa est une évidence, il ne s'agit ni d'y croire ni d'en douter «[...]
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Écrit par
- André MAGNIN : conservateur de la Contemporary African Art Collection, historien de l'art
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