SEARLE RONALD (1920-2011)
Né en 1920 en Angleterre, à Cambridge, Ronald Searle est encore un enfant lorsqu'il se sent attiré par la caricature, et certains de ses dessins sont publiés dans des revues confidentielles.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est appelé à servir dans le Royal Territory Ingeneers. En 1941, il réalise un dessin dont la légende est liée à l'actualité : « Étant donné la situation internationale, le match avec Saint-Trinian a été reporté... » C'est le Lilliput Magazine qui publie cette œuvre, la première d'une suite qui verra le jour après la guerre et qui contribuera à rendre son auteur célèbre.
Envoyé à Singapour, Ronald Searle est rapidement fait prisonnier par les Japonais. Il saura mettre à profit sa captivité pour relater par le crayon les conditions extrêmement dures faites aux prisonniers. Lorsqu'en 1946 il reprend sa série de Saint-Trinian, il transpose dans un collège de jeunes filles la cruauté des conditions d'incarcération. Arbitraire et tortures sont les spécialités de cette institution où les directrices et leurs élèves favorites remplacent les gardiens de camps de concentration. Cette série a inspiré le film St Trinian’s. Pensionnat pour jeunes filles rebelles (2007).
En 1955, reprenant le thème de son illustre devancier Hogarth, il réalise un Rake's Progress, album dans lequel il décrit en quelques images une série d'ascensions et de chutes sociales. En 1961, il est envoyé à Jérusalem par Time Magazine pour y suivre le procès d'Adolf Eichmann. Par la suite, il se verra confier une série de reportages à New York, en Alaska, à Dublin, à Berlin, à Milan... Les lieux communs que se font ses compatriotes sur les étrangers, Ronald Searle les utilise pour les tourner en dérision et pour mettre en relief les véritables traits distinctifs des groupes qu'il est appelé à côtoyer.
Installé en France depuis 1961, il collabore au Figaro littéraire, au Magazine littéraire et au New-Yorker. 1969 voit la publication d'une suite de dessins sur Toulouse-Lautrec où il met ce dernier en présence de prostituées aux formes monumentales. Il oppose la difformité et la petite taille de l'artiste à des corps étendus qui proposent des vallées à parcourir, des gorges à traverser, des passages à franchir, ou bien encore à des corps dressés, tellement énormes, qu'ils découragent l'escalade. La disproportion physique entre les différentes personnes d'un dessin, entre les personnages et les pouvoirs est l'un des moteurs de l'art de Searle. Des animaux minuscules deviennent tout à coup monstrueux, comme par magie, ou sont brutalement confrontés à un univers écrasant : tel ce lapin effaré sortant de son terrier au milieu d'une grande avenue de New York. Les séries de dessins donnent naissance à des albums qui font date : Pardong' M'sieur (1965), L'Œuf cube et le Cercle vicieux (1968).
Le génie de Searle consiste à créer des événements arbitraires, à choisir un détail et à le développer d'une manière extrêmement fouillée dans un ensemble schématisé à l'extrême, à colorer avec une infinie délicatesse l'intérieur d'une figure dont le dessin ressemble à une chevelure emmêlée. Il joue très efficacement avec les jeux de physionomie en prêtant des réactions humaines à des animaux : chats, oiseaux et, pour finir, escargots qui sont, avec leur coquille en spirale, comme l'aboutissement d'un esprit de plus en plus porté vers le baroque. Dans Tiens, il n'y a personne ! (1969), l'artiste développe une série de variations sur cette forme vivante qui véhicule une image archétype, la spirale, commencement et fin de toute forme et qui peut, de ce fait, s'affubler de toutes les formes, s'orner de tous les styles, s'accommoder de tous les états, s'unir avec tout, se manifester comme essence [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Marc THIVOLET : écrivain
Classification
Autres références
-
SATIRIQUE DESSIN
- Écrit par Gilbert LASCAULT
- 2 900 mots
...corbeaux vivants et les intellectuels, se baigne joyeusement dans l'éther des égouts d'un hôpital. De manière apparemment innocente, les escargots de Searle (L'Œuf cube et le cercle vicieux) ont pour coquilles des casques, des trompettes, des pneus et des arcs de triomphe ; ils écrivent avec leur...