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RONDEAU

Le rondeau qui naît de la danse, de la ronde, ancre ce qui deviendra une forme lyrique dans le corps, le rythme et la musique. Le Moyen Âge toutefois met plutôt le rondeau en rapport avec sa forme, à l'enseigne du rond. Pensée homologique qui au-delà de la stricte étymologie dit une essence formelle : le retour du refrain.

Le rondeau comme texte poétique apparaît pour la première fois inséré dans un récit romanesque : Le Roman de la Rose ou Le Roman de Guillaume de Dole de Jean Renart (1228). Le contexte de ces apparitions dans les romans est celui des danses, des fêtes et des réjouissances. Ces textes insistent sur une des caractéristiques originelles du rondeau, l'alternance d'un soliste et d'un chœur, alternance qui souligne les évolutions des danseurs. La forme est désignée alors du nom de chanson ou rondet. Ce dernier terme est parfois explicitement glosé : rondet a carole.

La structure de base du rondeau, telle qu'elle se fixe d'Adam de la Halle à Guillaume de Machaut, est la suivante. C'est une forme brève, pièce de huit vers, comportant un refrain de deux vers sur deux rimes figurant au début et à la fin selon le schéma ABaAabAB, où A et B forment le refrain littéraire et musical, et les minuscules a et b les reprises musicales de A et B avec des paroles différentes.

La forme du rondeau a évolué par allongement. Le refrain passe de deux vers (rondeau simple) à trois (rondeau tercet), à quatre (rondeau double dans la terminologie d'Eustache Deschamps ou rondeau quatrain dans celle de Gracien du Pont), puis à cinq (rondeau cinquain). Ce dernier, dont le premier exemple apparaît chez Eustache Deschamps, très usité à la fin du xve siècle, supplante au xvie siècle les autres types. C'est sous cette forme que le rondeau se perpétue dans les siècles postérieurs et jusque chez Alfred de Musset et Théodore de Banville.

L'allongement du refrain va de pair avec une question fort débattue dans la littérature critique. Il s'agit de la reprise (marquée par etc. dans les manuscrits) du refrain à l'intérieur et à la fin du poème. Deux écoles s'affrontent, que l'on envisage le rondeau surtout comme une forme musicale (reprise complète), ou qu'on insiste sur le fait que progressivement le rondeau a pu se suffire de sa seule écriture (reprise partielle). La longueur de ce qui est repris du refrain peut alors être conçue comme fonction du sens du poème, « tout à la voulenté du facteur », dit le théoricien de la fin du Moyen Âge Pierre Fabri.

Forme multiplement représentée et jugée digne d'être recueillie (il existe même au xvie siècle des romans en rondeaux), le rondeau est doté d'une géographie précise (la France du Nord) et d'un temps (xiiie-xvie s.). La Pléiade le rejette avec mépris et lui préfère le sonnet.

Le rondeau a correspondu à une pratique sociale, liée au jeu amoureux des cours, ainsi qu'aux puys. C'est une activité ludique, ouverte aux amateurs comme aux poètes professionnels ; sa composition ne signe pas le partage des conditions mais illustre une esthétique : du cercle de la danse à la ronde de la vie.

— Jacqueline CERQUIGLINI-TOULET

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, agrégée de lettres modernes, docteur d'État, professeur de littérature française médiévale à l'université de Genève (Suisse)

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