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CASTRO DE MURGUÍA ROSALÍA (1837-1885)

Poétesse espagnole qui a écrit son œuvre aussi bien en castillan qu'en galicien, Rosalía Castro de Murguía est née à Saint-Jacques-de-Compostelle où elle passe son enfance. Fille naturelle, elle ne connut pas son père ; sa mère, doña Teresa de Castro Abadía, était de famille noble. Dès son adolescence, elle éprouve l'intense sentiment de mélancolie anxieuse qui marquera toute son existence. Elle se rend à Madrid en 1856 ; elle y publie l'année suivante son premier livre, La Flor (« La fleur »), un bref recueil de six poèmes en castillan. En 1858 elle épouse un écrivain galicien, Manuel Martínez Murguía, réputé aussi pour ses travaux d'histoire et d'archéologie. Par sa sensibilité aiguë et quasi maladive, par son indéracinable nostalgie, par sa hantise de la mort, Rosalía Castro est très proche du poète Becquer (1836-1870) qu'elle connut à Madrid. Son œuvre poétique se compose de deux livres en dialecte galicien, Cantares gallegos (1863, « Chants galiciens ») et Follas novas (1880, « Feuilles nouvelles »), et d'un recueil en castillan, En las orillas del Sar (1884, « Sur les rives du Sar »). Cantares gallegos reprend les rythmes et la facture des chansons populaires de Galice. Les paysages, les coutumes, les travaux des champs, les fêtes villageoises, la misère, l'émigration, le désenchantement (saudade) typique de cette région, voilà quelques-uns de ses thèmes. La douceur des mots — où les diminutifs sont nombreux — et de la mélodie émeuvent profondément. Ce livre, écrit pour mieux faire connaître la Galice, traduit avec beaucoup d'ingénuité et de fraîcheur l'âme rêveuse de cette province maritime. Follas novas est davantage le livre de la douleur intime, de l'indéfinissable désespérance. Les choses, les êtres, le décor, tout est submergé par la vague noire de la douleur et du pressentiment de la mort : « Qu'arrive-t-il autour de moi ? / Que m'arrive-t-il dont je ne sais rien ? / J'ai peur de quelque chose / qui est vivant et qui ne se voit pas. / J'ai peur du malheur qui vient comme un traître / et dont on ne sait jamais d'où il vient. » L'amertume et le pessimisme s'accentuent dans En las orillas del Sar. L'inexorable usure, l'obsession du néant, l'inquiétude sans repos, le mal de vivre, tels sont les sentiments exprimés dans ces poèmes élégiaques d'une extrême délicatesse : « Je ne sais pas ce que je cherche éternellement / sur terre, dans l'air et le ciel. / Je ne sais pas ce que je cherche ; c'est quelque chose / que j'ai perdu je ne sais quand... » Par cette qualité nouvelle du lyrisme, par sa musicalité, son frémissement, son intuition du mystère, ce livre annonce — à l'époque où régnait en Espagne la poésie superficielle ou grandiloquente d'un Ramón de Campoamor (1817-1901) ou d'un Gaspar Núñez de Arce (1834-1903) — un renouvellement définitif de la poésie. Rubén Darío, Juan Ramón Jiménez, Antonio Machado feront écho à l'âme délicate et blessée qui s'épanche dans ce livre. Outre la virtuosité et la liberté des formes métriques employées, la spontanéité et l'ingénuité de l'inspiration font le charme de ce recueil, dont la composition reflète l'influence de l'Intermezzo de Heine. On y trouve aussi évoqués, à la manière impressionniste que reprendra Antonio Machado, les paysages embrumés et le ciel gris d'une région avec laquelle Rosalía Castro s'est profondément identifiée. Injustement oublié, En las orillas del Sar doit être considéré comme un des sommets du lyrisme espagnol du xixe siècle. Rosalía Castro publia aussi des écrits en prose, La Hija del mar (1859, « La fille de la mer »), Flavio (1861), Ruinas (1864), et des romans, El Caballero de las botas azules, cuento extraño (1867,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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