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LEHMANN ROSAMOND (1901-1990)

Rosamond Lehmann se situe dans la lignée des romancières anglaises qui se veulent d'abord des écrivains de la sensibilité, attachés à la description des sentiments intimes et des émotions secrètes de leurs héroïnes. Née en 1901 à Bourne End (Buckinghamshire), elle appartient à un milieu cultivé. Son père, Rudolph Chambers Lehmann, collabora longtemps au journal satirique Punch et publia quelques recueils de poésie. Sa mère, Alice Marie Davis, originaire de la Nouvelle Angleterre, avait fait de brillantes études d'histoire. L'une des sœurs de Rosamond, Beatrix, fut une actrice célèbre, et son frère John travailla de 1938 à 1946 pour la maison d'édition de Leonard et Virginia Woolf, The Hogarth Press, et fut rédacteur en chef de plusieurs revues littéraires. À dix-sept ans, Rosamond Lehmann part faire ses études à Cambridge. Cette période de sa vie inspire Poussière (1927). À la manière d'un roman d'apprentissage, le livre relate les expériences douloureuses de la jeune Judith Earle dans ses relations avec les autres, hommes ou femmes. Considéré par certains comme très osé, Poussière vaut à son auteur une notoriété immédiate et internationale.

Après un premier mariage malheureux, la romancière épousa en 1928 le peintre Wogan Philipps dont elle aura deux enfants, Hugo, né en 1929, et Sally, née en 1934. Son deuxième roman, Une note de musique, est publié en 1930. L'écrivain y analyse les réactions de deux couples vivant dans l'indifférence et dont la vie est soudain bouleversée par l'arrivée de Hugh Miller et de sa sœur Clare, qui réveillent en eux la passion. En 1932 paraît L'Invitation à la valse, dans lequel l'auteur décrit de l'intérieur les émotions et le désarroi d'Olivia Curtis, invitée pour la première fois à un bal. L'écrivain donna une suite à cet ouvrage, Intempéries (1936), où Olivia Curtis, après un mariage raté, devient la maîtresse d'un de ses amis d'enfance marié et doit faire face aux difficultés que pose une telle situation. Dans La Ballade et la source (1944), étrange et beau roman, l'écrivain utilise le regard curieux et attentif d'une fillette, Rebecca Landon, pour nous révéler peu à peu l'histoire familiale mystérieuse des habitants de la maison voisine, dominés par la redoutable et fascinante Mrs. Jardine. Le Jour enseveli, paru en 1953, concerne les rapports complexes de deux sœurs, Madeleine et Dinah, dont l'une a été la maîtresse du mari de l'autre.

En 1958, la fille de Rosamond Lehmann, Sally, meurt brutalement de la poliomyélite. À la suite de ce choc, la romancière va vivre des expériences psychologiques étranges qu'elle a relatées dans une sorte d'autobiographie spirituelle, Le Cygne au crépuscule : fragments de vie intérieure, publiée en 1967. Cet intérêt pour la parapsychologie la détourne presque complètement de l'écriture et ce n'est qu'en 1976 qu'elle publie son dernier roman, L'Arbre de mer, où l'on retrouve Rebecca et Mrs. Jardine.

Ce qui fait encore aujourd'hui le charme des romans de Rosamond Lehmann, c'est le mélange de lucidité et de délicatesse qui les caractérise. La romancière excelle dans le portrait de jeunes femmes confrontées à l'apprentissage de la vie, à la découverte de leurs sentiments et à la perte de leurs illusions. L'amour, pour elles, tourne le plus souvent à l'échec et mène à la solitude, mais une solitude assumée. Parfois considérée comme sentimentale et « féminine », l'œuvre de Rosamond Lehmann illustre ce qu'elle appelle « le drame intime des relations humaines », dans une atmosphère empreinte d'ambiguïté et de nostalgie.

— Marie-Françoise CACHIN

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur d'État, maître de conférences à l'université de Paris-VII

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