DOBOUJINSKI ROSTISLAV (1903-2000)
Fils aîné de Mstislav Doboujinski, peintre et décorateur de théâtre, membre du groupe pétersbourgeois Le Monde de l'art, Rostislav (Stiva) Doboujinski fait partie de la deuxième génération des artistes russes qui ont su brillamment développer en Europe occidentale la tradition des Ballets russes.
C'est dans une ambiance de création flamboyante que Rostislav Doboujinski est né en 1903 à Saint-Pétersbourg ; là, il étudie l'art du décor théâtral auprès de son père et commence à travailler, au début des années 1920, pour le Grand Théâtre dramatique et le Théâtre libre de la jeunesse. En 1924, la famille Doboujinski part pour l'exil, en Lituanie. L'année suivante, Rostislav et sa femme Lidia Kopniaeva, comédienne du célèbre troisième atelier du théâtre d'Art de Moscou, arrivent en France. À Paris, la carrière de décorateur de Rostislav commence par une collaboration avec Georges Pitoëff. Dans les années 1930, il fonde avec sa femme un atelier de décors et son travail pour Ondine de Jean Giraudoux, créée par Louis Jouvet, est remarqué par la critique.
À partir du début des années 1950, Doboujinski travaille aussi bien pour le théâtre que pour le cinéma, et collabore avec les réalisateurs et les décorateurs les plus célèbres. Pour le cinéma, en 1951, il réalise avec Georges Annenkov costumes et décors du film de Max OphülsLe Plaisir. C'est vraisemblablement pour ce film qu'il crée ses premiers masques, qui deviendront sa « spécialité » et lui apporteront la célébrité. En 1956, il réalise les costumes pour les Sorcières de Salem, film de Raymond Rouleau. Mais le théâtre reste son domaine privilégié. En 1956, il crée avec Sacha Pitoëff l'adaptation, les décors et les costumes des Bas-Fonds de Gorki au théâtre de l'Œuvre. Dix-neuf dessins pour les costumes de ce spectacle, très marqués par le style du Monde de l'art, se trouvent parmi les papiers de l'artiste à la bibliothèque de l'Arsenal à Paris.
Les années 1960-1970 sont marquées par une intense activité : on citera en particulier Orfeo (1960, au Théâtre carré d'Amsterdam en collaboration avec Anne-Marie Simon) ; Le Marchand de Venise (1966, Rome, en collaboration avec Lila de Nobili) ; Le Casse-Noisette, (1967, Stockholm, par Rudolf Noureev) ; La Belle au bois dormant (1969, Covent Garden, Londres, en collaboration avec Lila de Nobili) ; Les Noces de sang (1969, par Raymond Rouleau, à la Comédie de Lyon) ; Laurette (pièce de Marc-Gilbert Sauvajon, par Pierre Fresnay) ; Le Renard (pour le Teatro Olimpico de Rome) ; Tales of Beatrix Potter (1970, Londres) ; Rashomon (1970, par Raymond Rouleau, Dijon-Spalète) ; L'Histoire du soldat (1971, par Jean-Marie Simon, au théâtre de la Tempête à Paris) ; Le Bal des masques (1973, par Franco Zeffirelli, à la Scala de Milan).
Malgré le succès de plusieurs de ses spectacles auprès du public et de la critique, Doboujinski ne semble pas s'occuper de sa propre renommée et reste dans l'ombre de ses collaborateurs. Ses archives révèlent son travail, minutieux, efficace, qui s'appuie sur des sources historiques. Exécutés souvent sur des papiers-calques attachés aux photos des comédiens, ses projets de costumes sont toujours personnalisés, reflétant non seulement le caractère du personnage, mais aussi celui de l'acteur.
La véritable reconnaissance vient à Doboujinski, en 1977, avec le spectacle Peines de cœur d'une chatte anglaise, d'après une nouvelle de Balzac, réalisé par le Groupe T.S.E. pour le festival de Shiraz, et repris ensuite en région parisienne par le théâtre Gérard-Philipe (pièce de Geneviève Serreau, mise en scène d'Alfredo Rodriguez Arias, chorégraphie de Marilú Marini). Pour le spectacle, inspiré par les dessins de J.-J. Grandville pour la Vie privée et publique des animaux, Doboujinski crée[...]
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Écrit par
- Olga MEDVEDKOVA : chargée de recherche au centre André-Chastel, université de Paris-IV-Sorbonne, docteur en histoire et civilisation de l'École des hautes études en sciences sociales, habilitée à diriger les recherches
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